Jardin d’enfants en forêt : une entrée en souplesse à l’école!

Il n’est pas concevable de consacrer ce no 38 de Vision 2035 à l’enfance sans parler du jardin d’enfants en forêt, initié il y a déjà 20 ans par des biennois et biennoises. Le jardin d’enfant continue de naviguer, et nous avons demandé à Christoph Grupp, président de l’association Pro Waldfuchs, de nous en dire plus. 

Un jardin d’enfants en forêt ? Toute la semaine ? Par tous les temps ? Une idée folle ? Une idée géniale ? Comment est-elle venue et qui la réalisée ? C’étaient Sabina Grupp et une amie qui ont initié le projet en 1999. Elles avaient fait des recherches, ont participé à des conférences, et se sont formées sur la pédagogie de la nature. Elles avaient déjà des compétences pédagogiques. “Mais la forêt tous les jours été comme hiver c’était vraiment nouveau », raconte Christoph Grupp, président de l’association Waldwuchs qui assure la direction et l’organisation du jardin d’enfants.  En effet, pas de tableau noir, de pupitres, de chaises, de pantoufles, mais des gros bonnets et des écharpes et des doudounes !

Mais, peut-on suivre en forêt le même programme scolaire comme en classe, ou écoliers et écolières deviennent-iels des Tarzan et Tarzanes ? C. Grupp : « le concept de base respecte le plan de formation alémanique du canton de Berne, afin que les enfants n’aient aucun retard à l’entrée à l’école enfantine. Du point de vue pédagogique on n’emmène que très peu de matériel et on travaille avec ce que l’on trouve, à l’écoute de ce qui se passe, des changements de saison, on apprend de la nature mais aussi pour la nature. » 

Et comment évaluer les bénéfices pour le développement des enfants, quelles sont les compétences particulières qu’ils peuvent développer par rapport aux enfants qui fréquentent le jardin d’enfants « classique » ? Il n’y a eu, à la connaissance de Christoph Grupp qu’une seule recherche sur ce thème dans le canton de Berne. “Mais les bénéfices que nous avons pu observer à Bienne se situent d’abord au niveau de la langue, car nous sommes bilingues, les enfants apprennent à comprendre l’autre langue”, raconte-il et rajoute: “Dans la nature les enfants apprennent à développer leur attention, à décrire ce qu’ils voient autour d’eux, acquièrent une sensibilité pour ce qui est de la nature ». Et entre eux, comment cela se passe-t-il, y a-t-il des conflits, comment les enseignant.e.s  garantissent leur sécurité ? « L’apprentissage le plus important est certainement celui de la vie sociale. Dans une classe normale, il y a une certaine sécurité. En forêt celle-ci est portée par le groupe, et les conséquences de certains actes sont directement visibles, donc les enfants doivent porter une attention à l’autre différente ». Grupp racconte aussi comme ils développent leur imagination car ils doivent trouver eux-mêmes de quoi s’amuser. “Et il y a évidemment le développement de la motricité et de la motricité fine ». 

Ce jardin d’enfants en forêt est privé, ce qui souvent veut dire un investissement des parents plus important que pour l’école publique. En effet l’investissement des parents dans le contenu et l’accompagnement était important, surtout au début. “Mais aujourd’hui, la participation financière des parents finance le jardin d’enfants en forêt à environ 90% “, explique C. Grupp. Comme pour beaucoup d’autres écoles, les parents participent aux journées de rénovation du site dans la forêt, ils sont invités aux journées d’information et aux marchés de Noël. Enfin des parents participent au comité de l’association Pro Waldfuchs. C’est un engagement cohérent avec la philosophie du projet. 

A entendre Christoph Grupp il serait bon que le secteur public développe une telle pédagogie, afin de pouvoir y intégrer également les enfants avec des difficultés de comportement, un groupe que le seul jardin d’enfants en forêt existant actuellement à Bienne ne touche que peu par son offre. Mais tout projet pédagogique nouveau doit recevoir la bénédiction du canton et il faut beaucoup de persévérance et d’opiniâtreté aux enseignants pour faire bouger les lignes. La HEP BEJUNE à Bienne collabore avec la fondation SILVIVA et offre ainsi des formations sur une pédagogie adaptée en forêt. Mais pourquoi pas une formation pédagogique complète pour une école 100 % en forêt à la HEP ? C’est un peu le serpent qui se mord la queue : pas de projet donc pas de formation, pas de formation donc pas de projet… Grupp dit: « j’ai connaissance d’un jardin d’enfant en forêt près d’Interlaken, mais il va probablement fermer car l’enseignante va cesser son activité. A Bienne nous avons toujours été attentifs à partager les responsabilités entre différentes personnes et que le projet ne dépende pas d’une seule ». L’école dans la nature fait cependant des émules et de plus en plus d’enseignant.es sortent avec leur classe, cependant entre le chemin pour arriver dans une forêt et le chemin du retour, il n’y a souvent qu’une petite heure en pleine nature, ce qui peut être aussi frustrant pour tous, enfants et adultes. C. Grupp : « A Brügg par, exemple le jardin d’enfants dû être rénové et les enfants ont fait 6 mois d’école dans la forêt. L’enseignante était partisane de cette pédagogie et a réussi à convaincre les autorités. Il faut aussi se rendre compte que certaines petites communes doivent batailler pour avoir simplement un jardin d’enfants, alors l’école à la forêt… ». 

Et la Suisse romande ? A Genève, une école en forêt pour des enfants âgés de 4 à 8 ans s’est ouverte à Jussy en juillet 2021, une éco-crèche à Dardagny en 2020, à Orbe en 2014 et à Sion en 2021. Comme à Bâle, à Zürich dans Emmenthal et Berne. Toutes ces écoles sont des institutions privées, souvent créées par des organisations de protection de la nature. Il serait peut-être utile qu’elles se fédèrent pour gagner en force et déborder sur le secteur public de l’enseignement. 

A l’heure du dérèglement climatique et de la diminution de la biodiversité, des projets tels que celui du jardin d’enfant en forêt de Bienne constituent une bonne prévention pour favoriser le respect de notre environnement naturel, la connaissance des bons gestes et les liens à la nature. A soutenir développer donc !

Texte: Claire Magnin


Le jardin d’enfants en forêt en quelques chiffres :

La classe comprend 20 enfants avec 2-3 enseignant.es. La demande augmente…
Le coût : entre 370 et 650 Fr. par mois, en fonction du revenu.
Le projet est porté par l’association Pro Waldfuchs. Le comité de l’association comprend actuellement 8 membres.
Important : le jardin d’enfants en forêt n’est pas un cours de Survival training, en cas de tempête ou de gros gel pendant plusieurs jours, les enfants vont dans un petit local à Mâche. C’est aussi une entrée plus souple dans la scolarité.
Pour plus d’informations :
Bilinguer Waldkindergarten – Jardin d’enfants bilingue en forêt (waldkindergarten-biel.ch)