Le plastique, c’est encore et toujours fantastique !
Le plastique, c’est encore et toujours fantastique !
La solution de recyclage « Bring Plastic Back » de l’entreprise et usine de recyclage InnoRecycling arrive à Bienne pour atteindre l’objectif de l’association faîtière Swiss Recycling : le recyclage de tous les plastiques dès 2022 dans toute la Suisse.
Les premiers camions-poubelles de la collecte du plastique sont passés. Nous y avons consciencieusement jeté tous les plastiques possibles énoncés sur le flyer. Emballage de pâtes, de biscuits, de fruits secs, de fromage, de yogurts, de baies estivales, de truites fumées, briques de jus de pomme et de lait, bouteilles de sirop. La poubelle « normale » est presque vide, seuls les mouchoirs en papier des rhumes persistants, le papier-ménage, quelques restes de repas recrachés ou boudés par un enfant au coin de l’assiette s’y retrouvent. Rejoints par les couches-culottes où celui-ci fait sa grosse commission, refusant encore d’utiliser les wcs à cet effet. Peut-être devrais-je lui parler d’économie circulaire ? Mais comment expliquer qu’on gaspille 6 litres d’eau potable à chaque fois qu’on tire la chasse d’eau ? Et que son offrande n’ira pas à la terre ?
Recycler c’est bien, brûler c’est mal.
Fort de ces deux croyances, les municipalités de Bienne et de Nidau ont conjointement mis sur pied, comme d’autres communes ces derniers mois, une nouvelle collecte du plastique dès le 1er juin 2021. Celle-ci vient s’ajouter – au rayon du plastique – à la collecte sélective gratuite des magasins vendant des flaconnages à usage unique et à la collecte des bouteilles de PET.
Le recyclage donne bonne conscience de tous les côtés. Et cela crée même des places de travail. Certes revaloriser la matière première plutôt que de la flamber est une bonne idée. Mais seulement si elle va de pair avec un effort constant de diminuer mondialement la production et l’utilisation du plastique.
« Aujourd’hui, les aspects écologiques et économiques parviennent de plus en plus à convaincre et rendent enfin le recyclage des matières plastiques incontournable. » Voilà ce qu’on peut lire sur le site internet de l’entreprise Innorecycling. En d’autre termes : c’est parce qu’on produit et consomme toujours plus de plastique que de le revaloriser se rentabilise. De là, il n’y a qu’un pas à penser qu’il serait bien dommage d’arrêter un nouveau business florissant, j’ai nommé, le recyclage du – ou plus exactement – « des » plastiques.
En 2020, grâce à la pandémie, la production de plastique a très légèrement diminué (-0,3%) à l’échelle mondiale pour la troisième fois (1ère fois en 1973 suite au choc pétrolier puis en 2008 suite à la crise des subprimes) depuis l’explosion de l’usage des plastiques (voir « Plastik lügt » Vision 2035 Nr. 23 ; 2/2017).
J’espérais naïvement que cette initiative en faveur du recyclage aille de pair avec un injonction autoritaire à diminuer massivement l’utilisation et la consommation du plastique dont la mauvaise réputation n’est plus à faire et qui a envahi tous les recoins de la planète dans une indifférence crasse.
Au stand d’information de la place centrale à Bienne, j’ose demander entre autres ce qu’il advient des emballages de type tetra-packs, puisque leur recyclage extrêmement spécifique n’a lieu que dans des usines spécialisées (et qu’aucune d’elles ne se trouve en Suisse). Sont-ils recyclés à Eschlikon comme la campagne de communication de Bring Plastic Back donne à penser ? Non. Ils sont triés, démantelés, et finalement envoyés en Allemagne. D’ailleurs au final seul un certain pourcentage des plastiques collectés seront effectivement recyclés ou revalorisés… ailleurs que dans l’usine d’Eschlikon (donc marchandés, transportés, et, on l’espère mais sans garantie, finalement recyclés) et 38% sont transformés en regranulés ou rebroyés de qualité (qui servent à produire de nouveaux objets tels que des câbles ou des tuyaux) sur place à Eschlikon par InnoRecycling. 2% des plastiques récoltés sont brûlés car inutilisables pour être recyclés. Ces chiffres ont été obtenus sans l’accord des responsables du programme « Bring Plastic Back » et sont sous la responsabilité de l’auteure de l’article, membre de la rédaction de Vision 2035. Ils ne sont pas là pour montrer du doigt un flyer aux informations habilement sélectionnées mais pour rappeler que chaque plastique, chaque flacon de shampoing, chaque mignonne petite bouteille d’eau à l’effigie d’Elsa, chaque emballage de délicieux biscuits achetés à la va-vite, dans l’insouciance, parce qu’on a oublié sa gourde, parce que c’est si facile, si léger, parce que les savons, ça glisse sur le rebord de la baignoire, parce que les magasins qui vendent en vrac ferment à midi, alors on file au supermarché et on prend ceci et encore cela, parce que… on recycle tout maintenant!
Ces chiffres sont là pour rappeler que chaque emballage plastique à usage unique compte, que non, on ne recycle pas tout, et que ce sont bien nos plastiques (marchandés, transportés et…jetés ?) qui finissent par voguer sur l’océan… ad vitam aeternam.
Alors oui, recyclons, mais surtout, diminuons. Même si cela fait chuter le rendement et augmenter le coût du recyclage.