Parlons d’une ville inclusive
Bienne, ville bilingue et cosmopolite, est souvent citée en exemple pour sa diversité. Pourtant, une bonne partie de ses habitant·e·x·s n’ont pas de voix dans les décisions citoyennes. Comment Bienne peut-elle vraiment devenir inclusive et garantir une participation équitable pour touxtes ses résident·e·x·s ? Explorons les défis et les solutions pour une véritable démocratie urbaine.
La gestion urbaine et la planification de la ville intègrent les concepts de « diversité » et « inclusivité », essentiels pour atteindre les objectifs de justice sociale et d’égalité. Ces concepts sont cruciaux pour rendre les structures physiques, sociales et économiques de la ville plus équitables et durables. La diversité signifie que la ville accueille des personnes de différentes origines ethniques, cultures, religions, groupes d’âge, genres, statuts socioéconomiques et autres différences. Les villes, tout au long de l’histoire, ont embrassé la diversité grâce aux migrations, opportunités économiques et mouvements sociaux. Cette diversité enrichit la vie urbaine et permet d’intégrer différentes perspectives et expériences.
Par exemple, Bienne est une ville bilingue où l’on parle à la fois l’allemand et le français. En parcourant ses rues, on y entend également de nombreuses autres langues, ce qui enrichit la culture locale et les dynamiques de communication de la ville. De plus, la ville accueille une importante population étrangère. Selon les chiffres de 2023, sur les 57’389 habitant·e·x·s de Bienne, 19’828 sont des étranger·ère·x·s (Figure 1). Selon les statistiques municipales, 152 nationalités différentes cohabitent à Bienne.
La différence entre diversité et inclusivité
Cependant, la diversité ne garantit pas toujours l’inclusivité. Une ville inclusive ne se contente pas d’accueillir la diversité de ses habitant·e·x·s ; elle garantit également leur participation équitable à tous les aspects de la vie urbaine. Ce concept va au-delà de la simple coexistence des différences culturelles et sociales ; il vise à transformer les structures de pouvoir existantes pour permettre à touxtes les résident·e·x·s, quels que soient leur origine, leur statut économique ou leurs besoins spécifiques, de participer pleinement aux processus décisionnels. Les théories des géographe·x·s et chercheur·euse·x·s en sciences humaines et sociales comme Doreen Massey1 et le spécialiste de géographie politique et d’aménagement Edward Soja2 soulignent l’importance de voir les espaces urbains comme des lieux de justice spatiale, où l’égalité d’accès et de participation est un droit fondamental.
Le cas de Bienne
Alors, où situer Bienne dans le cadre d’une ville inclusive que nous avons tenté de décrire ci-dessus ? Bienne est connue comme une ville d’immigré·e·x·s en Suisse, où la diversité est élevée. Cependant, beaucoup reste à faire pour transformer cette diversité en une véritable inclusivité.
La ville doit mettre en place des mécanismes pour encourager la participation des résident·e·x·s, en particulier des groupes minoritaires, aux processus décisionnels. Des initiatives comme « L’initiative pour la démocratie »3 (cf. Vision2035 n°47) visent à augmenter la participation politique des immigré·e·x·s et des groupes minoritaires. Des projets comme la « City Card »4 (cf. «Ausweis für alle – Städte können das» p. 26) ou le règlement concernant la participation de la population à la vie politique (article 6 du nouveau règlement de la ville de Bienne)5 sont des pas dans la bonne direction pour créer une ville plus participative.
Les défis et les solutions
Malgré les efforts, la participation des habitant·e·x·s sans droit de vote à Bienne reste actuellement pratiquement inexistante. Les résident·e·x·s sans nationalité suisse ne peuvent pas influencer les décisions concernant leur ville. Pour une véritable participation, il ne suffit pas d’organiser des consultations ; ces personnes doivent être intégrées dans les mécanismes de prise de décision. Une ville inclusive doit rééquilibrer les dynamiques de pouvoir en faveur des groupes marginalisés.
La diversité ne suffit pas ; il faut une inclusion active de tous les groupes dans la vie sociale, économique et politique de la ville. Il est essentiel de garantir que les individus de différents horizons culturels et démographiques aient des opportunités égales et puissent participer aux processus décisionnels. Cela signifie intégrer une diversité de voix dans le dialogue sur l’avenir de la ville.
Il est crucial de développer de nouvelles formes de participation démocratique, où les habitant·e·x·s sans droit de vote ont un droit de parole et de vote sur les questions locales. Cela nécessite une volonté politique et des changements législatifs pour faciliter cette participation, en reconnaissant que la santé d’une démocratie urbaine dépend de son inclusion de touxtes ses habitant·e·x·s sans droit de vote.
En conclusion, pour que Bienne devienne une véritable ville inclusive, elle doit aller au-delà de la reconnaissance superficielle de la diversité et inclure activement tous les segments de la société dans la sphère politique et sociale. Cela passe par l’élargissement des droits de vote et de participation pour les habitant·e·x·s sans droit de vote, la création de plateformes de dialogue pour les communautés marginalisées et la mise en place de programmes éducatifs sur l’inclusivité. Cette démarche est essentielle pour la cohésion sociale et l’efficacité des politiques urbaines dans un monde globalisé et diversifié.
Sprachbrücke:
Biel, eine inklusive Stadt?
Die zweisprachige Stadt Biel wird oft als Beispiel für ihre Vielfalt genannt. Gleichzeitig kann ein grosser Teil ihrer Einwohner*innen nicht mitbestimmen, wenn es um ihre Stadt, ihr Quartier, ihre Strasse usw. geht. In diesem Artikel behandelt der Autor den Unterschied zwischen einer inklusiven und vielfältigen Stadt (Diversität heisst eben nicht automatisch
Inklusion), führt den Begriff der «räumlichen Gerechtigkeit » (engl. spatial justice) ein und skizziert, wo Biel – trotz eines neuen Artikels im Stadtreglement, der ab 2025 in Kraft tritt – noch Handlungsbedarf hat. Konkret fordert er ein Stimmrecht für alle Einwohner*innen (Demokratie-Initiative) sowie die Schaffung von Plattformen für den Dialog für marginalisierte Gemeinschaften und Bildungsprogramme zum Thema Inklusion. (pm)
Glossar
la participation – die Teilhabe, die Beteiligung
des lieux de justice spatiale – Orte räumlicher Gerechtigkeit
les habitant·e·x·s sans droit de vote – Bürger*innen ohne
Stimmberechtigung
en conclusion – abschliessend
Texte :
Rüstü Demirkaya est doctorant en Sociologie urbaine à l’Université de Genève et journaliste. Il habite à Bienne.
Photo :
Mise à disposition.
Pour aller plus loin :
- Doreen Massey – Massey, D. (1994). Space, Place, and Gender. Polity Press.
- Edward Soja – Soja, E. (2010). Seeking Spatial Justice. University of Minnesota Press.
- L’initiative pour la démocratie : https://democratie-initiative.ch/
- Le projet de la City Card : https://citycardbielbienne.ch/veranstaltungen–manifestations.html
- Nouveau règlement de la ville de Bienne, entrant en vigueur à partir du 1 janvier 2025 : https://biel-bienne.tlex.ch/app/fr/texts_of_law/1.0-1/versions/466