Une journée colorée à Bienne

Rossana nous a offert ce texte, un regard sur Bienne et ses habitants de quelqu’un qui vient de loin et s’y est installée sans renier en rien ses origines. On peut avoir deux amours…

Je m’appelle Rossana, je suis mexicaine, je vis à Bienne depuis 12 ans avec Marc, mon mari suisse et à nous deux nous avons construit un pont entre le Mexique et la Suisse.

Bienne est la maison de mon laboratoire intérieur, après un séjour dans mon pays, c’est agréable de revenir ici à Bienne, ville qui enchante mon esprit et mon cœur au quotidien : entre autres choses, cette belle ville m’a donné à ressentir les quatre saisons, d’apprendre la gamme de ses couleurs et celle de sa lumière. Quand je me promène dans ses rues, je me réjouis d’observer la vie de couple, d’abord celle des canards dans la rivière ou volant dans le ciel, – et mon âme en est ravie – je souris en voyant comment le mâle et la femelle de couleurs différentes nagent ensemble en joyeuse compagnie. J’observe la même chose avec les gens, qui vont presque toujours deux par deux. Alors, laissant derrière moi ma vie solitaire au Mexique, – où je dois faire très attention là où je marche pour ne pas me faire écraser par une voiture ou tomber sur un objet insolite sur les bas-côtés – je décide de glisser comme une danseuse le long des larges trottoirs de Bienne.

Je m’interroge, que veux-tu faire aujourd’hui Rossana ? Voyons si d’autres couleurs sont arrivées dans le magasin près de la Place centrale. En tant que peintre, c’est un plaisir d’avoir ce dont j’ai besoin, tout près de la rue dans laquelle j’habite, je n’ai qu’à descendre rapidement les escaliers de l’ancien bâtiment de la rue Sessler et je suis déjà à la fête. Le bruit des tasses et des cuillères dans le café d’en face me donne l’impression de vivre dans une ville cosmopolite, j’entends des rires dans toutes les langues et je peux même distinguer les pleurs en suisse allemand des bébés. 

Tu sais ? Tu as deux heures avant le repas que Marc prépare, eh bien, alors partons en forêt. Après trente minutes, je suis assise sous le dôme vert tendre des grands arbres au printemps – tant de silence et de quiétude, je suis heureuse d’honorer la forêt et la nourriture qu’elle me donne. Je prends à nouveau une profonde inspiration et je me connecte lentement à mon cœur. Ici rien de pressant, tout coule et s’installe, inondant mes sens, je pourrais même jurer qu’une fée me salue d’une feuille qui n’arrête pas de tressauter. 

La chaleur de l’été arrive et déjà je nage dans le lac. Mon mari m’invite tous les jours ensoleillés à m’immerger dans cette eau bleue et je découvre avec étonnement que Bienne est bleu azur !! 

Je me sens en sécurité pour laisser mes affaires sur la berge et même de faire un show aux couples qui nous saluent presque toujours, et espèrent nous voir transformer l’eau en mousse ! 

À Bienne et dans ses environs, je trouve partout de la richesse; la tolérance dans la convergence des diverses cultures ; j’aime m’asseoir sur les bancs dans les parcs et ou sur la rue et être moi-même, tout en vibrant avec d’autres– nous sommes dans notre monde, tout en respectant l’espace intérieur de chacun. 

L’après-midi pluvieux d’automne, je vais prendre un latte macchiato, dans l’un de mes cafés préférés, je veux observer les gens passer, comprendre qui est cette ville, tout en remplissant ma moustache de mousse et personne ne s’en soucie… 

Quand je rentre à la maison, je me retrouve presque toujours à peindre ; la lumière est bonne près de la fenêtre et je passe des heures à me concentrer, jusqu’à ce que les corneilles entament leur danse du soir, alors je me jette sur le tapis de mon studio pour les regarder dire au revoir au soleil. Les lumières ambrées de la ville sont allumées et toutes les cloches annoncent la nuit. Nous avons mis nos manteaux et décidé de voir un film à deux pas d’ici, je sais que je recevrai un sourire de la vendeuse du billet dans sa loge, comme celui du chauffeur du joli bus rouge qui nous a laissé le passage.

Bienne est une ville positive et aimante ; poétique quand la neige tombe et elle ne cesse de chanter à toute heure. Ici, je trouve la paix pour créer et marcher main dans la main avec mon partenaire. Je ne garde que de l’affection et de la gratitude pour elle et ses habitants.

Texte  et illustration : Rossana Duran Cerrato, peintre autodidacte, née en 1955, d’origine mexicaine. A exposé dans les musées et galeries dans son pays comme à l’étranger. En 2010 intègre le mouvement Col-Art aux côtés de son mari Mark Kuhn fondateur de ce mouvement. Publication en 2019 de son premier livre, « el librito de la niña azul ». Actuellement vit en Suisse.