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Bulle de maman

La bulle originelle n’est-ce pas celle qui est née dans le ventre d’une femme, d’une fragilité extrême et d’une résistance à presque tout, suivant à la lettre le programme pour surgir à l’air libre, comme un miracle… Une ode à la vie.

La toute première bulle issue de la fusion de deux bulles distinctes, ces petites cellules qui se multiplient au sein d’un cocon intérieur bien caché, bien protégé, et parfois dur à amadouer faute de le sentir, de le comprendre… l’utérus constitue ce premier nid de vie au sein de la femme. Créer la vie tout au long du temps de la grossesse est une sorte de miracle grâce au développement du placenta, le double cellulaire du bébé. Il nourrit ce dernier jusqu’à ce que la bulle soit si grosse qu’elle doive se dissoudre. Pourtant le lien si fort entre la maman et son/ses bébé/s, déjà établi imperceptiblement tout au long de la grossesse dans la bulle primaire, continue à se développer « comme dans une bulle d’amour » jusque dans les premiers moments du bébé à l’air libre, et perdure tout au long de l’allaitement, des soins et de la petite enfance. Comme une enveloppe protectrice et sacrée unissant les parents et leur/s progéniture/s.

L’ambiance, l’énergie, la force d’un accouchement forment un doux mélange de puissance et de douceur intenses, nées du lien établi déjà dans l’enveloppe protectrice de l’utérus.

Soudainement, la femme « entre plus profondément dans sa bulle ». Ses yeux reflètent alors une sorte de « nébulité », un étonnement, une excitation, peut-être même une peur, puis se ferment. Cette protection créée avec l’enfants pendant neuf mois va se dissiper. La création d’une nouvelle sorte et forme de bulle commence.  Cette phase fragile est souvent signée par l’écoulement du liquide amniotique annonçant le  passage imminant à un monde nouveau pour le bébé. Parfois, l’enveloppe amniotique suit le bébé jusqu’à son arrivée au contact de l’air : on le dit « coiffé ». Peut-être a-t-il voulu rester dans la bulle le plus longtemps possible avant de passer d’un monde à un autre ? Pressentant à travers les  membranes perméables, des tensions, des mémoires, des peurs, trop d’amour ?

Quand la femme donne la vie, la force qui prévaut tout au long du travail est particulière, terre à terre. Il n’y a plus que le corps qui sait. Les contractions sont déclenchées par l’hormone de l’amour qui contracte et détend à la fois, seulement lorsque calme, pénombre et tranquillité englobent la maman. Dès lors, c’est comme si la femme avait besoin de s’éloigner de la sphère de la réalité pour aller se lover dans un autre monde liquide à l’intérieur d’elle-même. Elle en sort parfois pour vérifier la sécurité autour d’elle. La maman est alors à la fois vulnérable et dotée d’une force intérieure indescriptible. Ainsi, la vulnérabilité engage la protection, la bienveillance et la douceur du papa ou de la partenaire, de la sage-femme, de la doula et des médecins s’ils sont présents. Lorsque le voile de l’inquiétude brise la bulle, parce que l’instinct de la mère, soudainement, lui fait exprimer que quelque chose ne va pas pour le bébé, comment ne pas la croire, l’écouter ? Il est essentiel de faire confiance à cet instinct surgissant du plus profond de son être. Elle seule sait.

La femme est en même temps affaiblie, forte, animale et sage et ce mélange peut perturber l’entourage. Une grande ambivalence de cette force vitale réside dans la fragilité qu’elle rappelle:  pour donner la vie, la femme pourrait potentiellement sacrifier la sienne. Magnifique sont les  gardiens de la naissance qui ont compris, senti et accepté que cette première bulle de vie est  parfaite. Elle représente, avec la mort comme compagne indissociable, l’expérience la plus intense dans la vie d’une personne.

Texte :
Agnès Leonetti. D’origine francoportugaise, elle vit à Bienne depuis 2004. Maman de 3 enfants, elle travaille en tant que doula et est passionnée par le domaine des soins et de   l’accompagnement. Elle est également active dans le mouvement de transition local. Elle a co-organisé le festival Biu en Vert et a co-créé les associations Graine de Vie et Habiter Autrement qui visent au respect de l’humain et de l’environnement à travers différentes sphères.


Photo :
mis librement à disposition.

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