Un questionnement sur la diversité humaine, la diversité culturelle, la diversité des valeurs, celle des opinions, des changements et finalement des identités. Beaucoup de questions que chacun.e peut se poser sans forcément devoir trouver les réponses.
Une personne du comité de rédaction m’a proposé d’écrire quelques mots à ce sujet. Elle m’a demandé mon nom de famille et l’a épelé correctement. Ça n’est pourtant pas un nom compliqué, mais pour moi qui ai souvent eu l’occasion de l’entendre tordu dans tous les sens (Diavra, Daria), c’était quelque chose de rassurant. Pas que j’exigeais de sa part de l’épeler comme il le fallait, mais ça n’avait plus rien de bizarre dans la bouche de l’autre personne. Et, j’imagine, rien de bizarre dans sa tête non plus. Ce sont les effets de la diversité et c’est une évidence qui s’installe lentement, mais (je l’espère) sûrement. Tout devient moins bizarre.
Ces 3 dernières années furent pleines de rebondissements. Qui suis-je ? Jusqu’à quel point suis-je vraiment moi-même ? ou totalement formatée ? Est-ce que mes actes et pensées, que je considère plutôt activistes, le sont-elles vraiment ? Que dois-je changer ou non ? Comme une nouvelle adolescence ! Je ne suis pas la seule personne à cogiter dans son coin ou à partager ses pensées en groupe. En tentant de me défaire de mes propres codes, rester un maximum dans les faits et ne pas tomber dans l’émotionnel. Pas évident ! Et avec l’influence de tous les actes et pensées d’autres personnes qui cogitent aussi, et qui comme moi, le font avec les moyens du bord.
Parlons- en, de ces moyens du bord. Leurs origines remontent souvent à très loin. L’école, l’éducation, les fréquentations, la motivation personnelle à s’informer ou pas. Et aussi les prédispositions psychologiques, physiques, tous ces sujets abordés avec mes groupes de travail (CABBAK, mosaïk), mais toujours en fonction des actes et pensées des personnes concernées par certaines questions existentielles. Je pourrais me dire que tout est relatif. Mais c’est scabreux, car tout n’est pas aussi simple. On ne peut pas affirmer que le fait d’agresser une personne à cause de son apparence, sa religion, sa couleur, son genre soit en ordre, puisque tout est relatif. Les raisons ne sont pas forcément des excuses.
Qui peut poser ces limites et où sont-elles ? Puisque tout serait une question de perception, la diversité comprend également diverses manières de penser. Certaines personnes diront que cela met du piment d’avoir des divergences d’opinion et continueront sur leur lancée, d’autres diront qu’à notre époque, nous avons de quoi éviter certains comportements ou sorties mal placées et qu’il n’y a plus d’excuses à cela.
Je suis plutôt de nature à rechercher l’harmonie entre les êtres humains (si possible, tous les êtres vivants) et il m’arrive de me perdre. De plus, je déteste les malentendus. Certaines de mes remarques ou réflexions pouvaient/peuvent donner l’impression que je ne prenais/prends pas position. Je n’aime tout simplement pas voir les choses, soit tout en blanc, soit tout en noir. Ceci peut contrarier passablement de personnes, mais depuis que la psychologie est à la mode, je dérange moins. Ou depuis qu’elle est moins taboue, bizarre. Voilà, j’ai à nouveau peur de ne pas faire preuve d’assez d’humilité, puisque tout le monde ne sera pas d’accord avec moi. Mais moi non-plus, je ne suis pas toujours d’accord avec tout le monde. Alors, comment s’en sortir ?
Chaque personne est une preuve que la diversité est indéniable. Tout le monde n’a pas la même tête, la même histoire de vie qui forge son esprit, les mêmes réactions face aux mêmes situations, etc. Là, je ne pense pas manquer d’humilité, mais rester dans les faits.
Il y a aussi les points en commun. Et pour chercher la petite bête, ces points en commun sont également remplis de petites ou grandes différences qui continuent à entretenir la diversité.
En tant que métisse, née à Bienne, avec un papa Malien – musulman non-pratiquant et une maman Suissesse – chrétienne assez croyante, j’ai pu constater que les catégorisations sont dangereuses. Ces éléments font partie de mon identité. Cependant, je me suis lentement détachée de passablement d’idées que mes parents m’ont inculquées, afin de me construire une identité propre. N’est-ce pas le but de pouvoir choisir ce que l’on souhaite être ? Se développer le plus harmonieusement possible, en toute sécurité ? « Tu seras un homme, mon fils » ! Rien de très rassurant, comme conseil (qui ressemble plutôt à un ordre). Nous n’appartenons pas à nos parents et nos enfants ne nous appartiennent pas. Il faudrait parfois faire la différence entre l’éducation et le développement personnel. Ne pas mettre de limites là où ça risque de freiner le processus. Ne pas se mêler de certains besoins des gens ou de tenter de les maîtriser, les modifier. Ne pas mettre de barrières là où l’on risque de briser des vies. Ces barrières ou limites dont je parlais plus haut devrait être quelque chose que chaque personne devrait pouvoir installer pour soi-même.
Installer soi-même, quel travail ! suivant l’âge, les ressources, le contexte socio-culturel dans lequel on vit etc. Surtout, si certaines discriminations sont carrément institutionnalisées. Qu’elles nous depuis si longtemps ou ont un impact particulièrement virulent, suivant les tendances. Le faire sans aide est très épuisant.
Personne n’aime subir / Ne pas faire subir aux autres ce que l’on ne voudrait pas qu’il nous arrive. Malheureusement, il faut toujours et encore donner les exemples, les justificatifs et les raisons pour expliquer le pourquoi du comment des discriminations et leurs effets néfastes pour toute la planète ! c’est fatigant, mais nécessaire. Nécessaire d’expliquer pourquoi toute personne a le droit de vivre et de se développer harmonieusement. Ça parait absurde, non ?
Il faudrait se demander, si certains arguments et opinions sont constructifs et/ou rationnels, par exemple. « J’ai rien contre les personnes transgenres, mais…»). On va me dire : « Je trouve que les arguments et opinions féministes ne sont pas rationnels et les moyens du bord utilisés ne donnent pas de résultats constructifs ».
Jusqu’à quel point nos opinions sont-elles bénéfiques ? qui nous permet de les justifier ? serait-ce un manque d’empathie et d’humilité qui nous empêche de nous entendre ? jusqu’à quel point une différence en est vraiment une et/ou une réelle menace pour ? et jusqu’à quand trouvera-t-on des choses bizarres ou pas normales qui sont finalement anodines ou des choses soi-disant anodines ou normales qui sont, finalement, vraiment bizarres ?
Texte : Myriam Diarra est assistante socio-éducative, pédagogue et thérapeute du mouvement. Elle exerce ses professions principalement en milieu scolaire. « I Will Be DIfferent » est un livre relatant différentes histoires de femmes Noires à Bienne, dont elle est co-éditrice. Elle fait également partie de l’association mosaïk et du collectif afro-féministe CABBAK.
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"Weil jede Person zählt."
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Collectif afroféministe Biel/Bienne afrofeministisches Kollektiv