Le collectif de la grève féministe de Bienne a été créé dans le but d’organiser la grève historique du 14 juin 2019, de faire péter le cis-hétéro-patriarcat et d’en finir avec les violences sexistes, racistes, validistes, classistes, âgistes, spécistes et écocidaires. Trois ans plus tard, ELLES SONT TOUJOURS EN COLÈRE. Mais pourquoi s’acharne-t-on, au juste ? Petit tour d’horizon en quelques slogans et citations littéraires (attention, non-exhaustif !) Un texte rédigé par Chénopode avec la complicité du collectif de la grève féministe de Bienne.
D’habitude on range, aujourd’hui on dérange
La grève féministe en Suisse, c’est toujours le 14 juin, depuis 1991, en référence à l’inscription de l’article sur l’égalité dans la Constitution, le 14.06.1981 (Art. 8 al. 3 « L’homme et la femme sont égaux en droit » – ou « Blablabla » comme on pouvait lire sur les banderoles de la grève de 1991). En 2022, une étude montre que la pandémie a accentué les inégalités entre les femmes et les hommes en Suisse (Commission fédérale pour les questions féminines, 2022), la réforme AVS 21 veut économiser sur le dos des femmes, à Bienne, le personnel de nettoyage à la clinique du Tilleul fait face à une réduction des salaires, tandis qu’ailleurs, le droit d’avorter est menacé et que l’Espagne s’inquiète face à une hausse des actes machistes chez les mineurs. C’est un fait : nous vivons dans une société patriarcale dominée par des machos décomplexés qui gouvernent nos corps, ne jurent que par le profit, et ignorent délibérément ce qu’on se tue littéralement à clamer depuis des années : on veut MAINTENANT des changements radicaux pour une société bâtie sur la bienveillance entre touxtes. Que chacunex puisse disposer librement de son corps. Que prendre soin des autres soit reconnu comme une nécessité à la vie en communauté et rétribué à sa juste valeur.
On écoute Patriarcat de Brigitte Fontaine. On relit le manifeste en 19 points de la grève féministe de 2019. On regarde Debout ! de Carole Roussopoulos. Et on soutient l’association Mosaïk et les réseaux féministes locaux
À bas le cis-tème
Cis, c’est quand tu te reconnais dans le genre qu’on t’a attribué à la naissance. Dyadique, c’est le fait de ne pas être néx intersexe (lorsque les caractères sexuels biologiques ne correspondent pas aux définitions traditionnelles masculin-féminin). Nous ne considérons pas le sexe comme une donnée objective, qui détermine le genre d’une personne à sa naissance. Nos genres sont fluides, vécus, choisis, incarnés. Dans une société dans laquelle le standard est le masculin cisgenre (né et déterminé « homme » à la naissance, sans jamais s’en désolidariser), nous sommes sexisées, c’est-à-dire que nous sommes perçues comme « autre ». Nous ne voulons pas d’un monde binaire, de standards préétablis pour nos vies. Nous exigeons de pouvoir vivre en solidarité, en adelphité (désigne les alliié-e-x sans marqueur de genre) avec touxtes. Nous voulons nous choisir et nous construire comme nous le désirons et en dehors des normes de genre.
On s’informe sur les comptes instagram @salinleon et @aggressively_trans. On regarde les capsules vidéo de Pascal Gygax et Natasha Stegmann sur le langage inclusif (EPFL) et on demande aux personnes quel(s) pronom(s) iels utilisent.
Ici c’est lesbienne
L’hétérosexualité fait système. Pour que l’hétérosexualité existe il faut des hommes et des femmes. Pour que l’hétérosexualité devienne un modèle oppressif, il faut des structures culturelles, sociales et économiques, qui érigent le couple monogame et la famille nucléaire (composée d’un papa, d’une maman et des enfants) comme un modèle indépassable et comme unique salut, en dépit des inégalités, des violences conjugales, de la charge mentale, de la dépendance économique et du travail gratuit. On peut naître hétéro, bi, lesbienne ou autre. On peut aussi le devenir. Et on peut choisir de se constituer en dehors des modèles familiaux standards, car ce n’est pas le mariage qui nous sauvera.
On lit Sortir de l’hétérosexualité de Juliet Drouar. On écoute Voyage au Gouinistan ! (RTS) et Camille (Binge) et on adhère à QueerBienne.
Ni una menos
En mai 2022, on comptabilise 7 féminicides depuis le début de l’année en Suisse tandis que le Bureau fédéral de l’égalité rapporte une tentative de féminicide chaque semaine. Dans 90% des cas, les victimes d’homicides au sein des couples sont des femmes, tandis que des violence domestiques et familiales sont signalées quotidiennement à la police (2 signalements par jour à Genève, 3 aux Tessin, 15 à Zürich), sans parler des violences sexuelles. Comment sortir de cet engrenage ? Quand les violences sexistes seront-elles perçues comme un véritable problème de société qui nous concerne touxtes ? Nous ne voulons plus compter nos mortex. Nous voulons une aide adaptée et accessible à touxtes sans distinction de statut. Nous exigeons des réponses collectives, de l’ensemble de la société, contre les violences sexistes.
On écoute Que faire des hommes violents? (Un podcast à soi, arte radio), on lit Ou peut être une nuit de Charlotte Pudlowski. On soutient Solidarité Femmes et la Mädchenhaus, et on participe au 16 jours contre les violences faites aux femmes*, chaque année, en novembre.
Nous ne sommes pas « exotiques »
On parle d’ « intersectionnalité » pour dire que les oppressions, c’est comme un buffet à gogo : “quand y en a plus y en a encore”. Pour les femmes noires, racisées, le sexisme se combine avec le racisme. Il est important de reconnaître d’où parle chacun·ex d’entre noux, quelles sont les histoires et oppressions dont nous héritons, du fait de nos origines sociales, culturelles, religieuses et géographiques et par rapport à la manière dont nous serons perçuex, intégréex ou toléréex au sein de la société (parmi toutes les barbies plongeuse, vétérinaire, biologistes, la barbie noire est juste noire).
On veut en finir avec les discriminations et préjugés racistes, dénoncer chaque occurrence et décoloniser nos regards. Toutes les vies comptent. Nous ne serons pas libres tant que touxtes ne seront pas libéréx de leurs chaînes.
On lit I Will Be Different Every Time, femmes noires à Bienne de Fork Burke, Myriam Diarra et Franziska Schutzbach. On écoute Kiffe ta race (Binge Audio). On regarde Ouvrir la Voix de Amandine Gay et on soutient le collectif CABBAK et Tasamouh
Nous restons à Bienne
Dans la région, des personnes migrant·e·s sont logé·e·s dans des conditions inhumaines et dans des centres cantonaux où elles ne bénéficient d’aucun moyen pour s’autonomiser, pour pouvoir agir librement au sein de la société. Il est inacceptable que des familles soient déplacées à qui mieux mieux, sous la pression et le chantage et par la machine administrative violente de l’Etat. Nous voulons que touxtes les réfugié-e-x, quelles que soient leur origine, la couleur de peau ou leur nationalité bénéficient du permis S et des droits attachés à ce permis. Nous ne voulons pas de frontières meurtrières, nous voulons que chaque personne ait droit à sa capacité d’agir pour elle-même, et on veut être présentex en adelphité avec les combats de chacunex. On veut la reconnaissance des violences sexistes et de genre comme motifs d’asile.
On écoute Migrantes et combattantes (Un podcast à soi, arte radio) et on signe la pétition Feminist Asylum initiée par la Marche Mondiale des Femmes et on soutient Migrant Solidarity Network
Vos corps valides sont éphémères
Le validisme est le fait de considérer les corps et esprits « valides » – c’est-à-dire sans handicaps – comme la norme. Encore une fois, le standard détermine qui a accès à quoi, qui peut se mouvoir sans entraves dans la ville, la société, le travail, le monde. On veut que tous les besoins soient entendus, accueillis, satisfaits (des rampes, des zones de silence, etc.), on veut des espaces où touxtes le monde se sent à l’aise, en autonomie, en bienveillance.
On écoute Handicap : La hiérarchie des vies (LSD La série documentaire, France culture), on lit le manifeste du CLHEE et on adhère à Procap
Pubis et forêts, arrêtons de tout raser
Chaleurs record en mai 2022, sécheresses, crise alimentaire, pandémies, bétonisation du monde et de nos quartiers, des riches toujours plus riches qui se catapultent sur mars, exploitent des travailleurs-·euses·x dans des conditions horribles pour se payer un yacht inutile et polluants tandis que d’autres sont contraintes de quitter leurs milieux devenus inhabitables. Comment ne pas étouffer, s’étrangler en contemplant chaque jour la destruction de l’environnement ? Pourquoi la jeunesse qui s’engage pour le climat est-elle reçue avec condescendance, considérée comme peu consciente des « vrais problèmes » ? Le capitalisme est basé sur l’extraction de ressources vitales et s’appuie sur le travail gratuit de soin et de reproduction. Nous savons maintenant que la société est capable de changements rapides et drastiques de ses modes de vie, alors nous voulons que toutxte le monde puisse s’épanouir dans des activités enrichissantes en terme d’expérience. Que toutxte le monde se sente responsable et partage équitablement, d’un commun accord, les tâches liées à notre survie. Nous voulons une réduction du temps de travail et un revenu de base. Nous ne voulons plus attendre pour virer les bagnoles, pour cultiver dans le respect des sols, pour arrêter de s’empoisonner et cesser de tuer pour s’alimenter. Nous voulons de la solidarité inter-espèces et la fin de la répression de nos mouvements.
On écoute Récits de ZAD (Ultraviolet.t) On lit Feu ! Abécédaire des féminismes présents dirigé par Elsa Dorlin, et on apporte son soutien logistique / financier à l’anti-répression des mouvement écologistes.
Texte : Chénopode est féministe, biennoise, engagée. Elle prend racine dans les interstices, à 200 comme à 2000 mètres, et produit des feuilles en forme de flèches. C’est une plante aux vertus vitalisantes quand elle rencontre les flammes ardentes. Vivace et résistante, elle aime pousser à l’ombre et prolifère en compagnie de ses semblables.
Retrouvez nos voix amplifiées sur le site de la radio ULTRAVIOLET.T (www.ultraviolet-t.ch). Tous les podcast et les toutes les discussions diffusées en direct le 14 juin 2022 y seront postés dès l’automne.