Le 20 janvier dernier, la motion déposée par les jeunes socialistes bielingue, proposant de libérer la Ville de Bienne du trafic motorisé d’ici 2030, a été transformé en postulat et accepté comme tel. Selon le Conseil municipal, l’adoption de telles mesures se heurteraient aux législations cantonale et fédérale. Entretien avec la plus jeune des parlementaires du Conseil de ville, Nina Schlup (JS), commotionnaire résolue.
Quelle a été la première inspiration à une telle motion ?
D’un côté, il s’agit d’un rêve personnel : celui de trouver les moyens de ralentir drastiquement le réchauffement climatique. Il se trouve que la mobilité est un secteur dans lequel les villes disposent d’une importante marge de manœuvre pour limiter les émissions de CO2. La jeunesse socialiste a adressé ses demandes et ses suggestions au Conseil municipal, qui n’a hélas pas donné suite. Le dépôt de la motion devait permettre également à remettre la question à l’ordre du jour.
La motion a été transformé en postulat, adopté par le Conseil de ville à 25 voix contre 24. Quel impact une intervention de ce type peut-elle avoir sur Bienne ? Es-tu satisfaite ?
En tant qu’activiste, je suis forcément déçue par cette transformation. En revanche, j’ai été surprise que le postulat ait été accepté par la majorité des parlementaires, je suis aussi une conseillère de ville et je connais le fonctionnement de ce parlement. Dans l’ensemble, je peux me déclarer satisfaite du signal envoyé, sachant qu’il reste encore énormément de travail. Le postulat montre des pistes pour l’avenir et il charge l’exécutif d’examiner les opportunités en adéquation avec une perspective de transition vers une mobilité plus respectueuse de l’environnement.
Lors de la séance, l’exécutif (par la voix de Lena Frank) a rappelé l’obstacle des législations cantonale et fédérale sur les routes…
Je comprends tout à fait que la ville se doit de respecter les législations fédérales et cantonales en particulier sur les tronçons qui sont de leur compétence. Le transit routier sur ces voies devra être résolu au niveau supérieur. Toutefois, il reste de nombreuses routes communales sur lesquelles nous pouvons déjà travailler. Bien sûr, je souhaite voir le trafic automobile disparaître à l’échelle du canton et plus généralement, en Suisse, mais pour l’instant, focalisons-nous sur Bienne et trouvons un compromis.
Dans la motion des JS et du POP, le texte mentionnait des groupes spécifiques (autres que les «feux bleus») qui bénéficieraient quand même de la motorisation. Qui sont-ils ?
Il s’agit principalement de personnes à mobilité réduite et des artisans. Nous avons également pensé à un temps de conduite limité. À terme, nous voulons trouver des solutions alternatives afin que cette catégorie d’usagers puisse bénéficier de possibilités de déplacements durables. Il y a les vélos cargo, les «Leiterwagen», etc. Mais les propositions doivent venir des principaux concernés, ce sont eux qui savent exactement de quoi ils ont besoin. Un artisan, par exemple, est au courant de la quantité de matériel qu’il doit transporter. Nous souhaitons une collaboration active entre les artisans et les politiques.
Et les transports publics dans tout ça ?
Les transports publics sont très importants pour le futur de la ville ! Notre projet est de changer la manière dont on se déplace, pas la mobilité en soi. Nous demandons également une amélioration conséquente de la desserte : des bus plus fréquents, plus longtemps, des horaires de nuit, etc.
Selon toi, le secteur automobile a-t-il un rôle à jouer dans la transition vers une mobilité alternative ?
L’urgence climatique n’est pas un secret pour le secteur automobile non plus. Il sait très bien que la production et la vente de véhicules individuels relèvent du court-terme. En un sens, ce n’est pas notre problème s’il ferme les yeux. Les industriels de ce secteur ont la responsabilité de réinventer leurs stratégies et leurs objectifs entrepreneuriaux, afin de les rendre pérennes. Les initiatives doivent venir d’eux. Je veux dire, s’ils se mettent à vendre des vélos en couleur, pour moi, pas de problème !
Dans ce contexte, la Ville a aussi un rôle important à jouer. Elle dispose des moyens nécessaires pour approcher le secteur et lui demander de quelle manière elle pourrait l’aider à changer. Personnellement, je pense qu’il faut arrêter d’entretenir les critères de satisfaction actuels, en termes de production et de consommation. La durabilité devrait être au premier plan.
Les voitures électriques, une solution ?
Je n’en suis si pas sûre. L’offre actuelle n’est pas durable, il suffit de regarder du côté de la quantité d’énergie grise consommée pour les produire. Nous pouvons investir incessamment afin de les améliorer, se borner à réaliser un millier de petits pas dans cette direction, mais à mon sens, la vraie question serait plutôt, a-t-on réellement besoin d’autant de véhicules ?
Comment imagines-tu la ville libérée du trafic automobile ?
Peter Heiniger [POP], le cosignataire de la motion, et moi-même avons deux conditions. D’abord, nous voulons un espace dépourvu de grands magasins, l’espace libérée ne doit pas immédiatement profiter aux supermarchés ! Ensuite, nous souhaitons des rues plus vertes, plus colorées, avec des places publiques. L’idée serait de réaliser des projets de réaménagement urbain avec les habitants, de les inviter à participer au remodelage de ces nouvelles surfaces selon leurs besoins.
As-tu en tête des villes où la voiture est quasiment absente, voire absente ?
Actuellement, il n’y a pas de villes de la grandeur de Bienne sans voiture. À la montagne, il y a certaines stations de ski. En Europe, la ville d’Amsterdam a menée depuis des années une politique urbaine favorisant les déplacements en vélo ou via les transports publics. À Barcelone, il y’a les super-îlots où la circulation est autorisée en bordure de quartier pour les riverains, et interdite à l’intérieur de la zone.
La question de la diminution du trafic se pose partout actuellement, mais je crois que peu de personnes ont vraiment le courage de se lancer dans l’aventure !
Propos recueillis par:
Simon Petignat est né le 3 juillet 1993 et a grandi à la Chaux-de-Fonds. Diplômé d’un bachelor en création littéraire, il habite à Bienne depuis 2016. Il aime lire, écrire, se promener et bouger pour les thèmes qui l’intéressent.
Photo:
Andreas Bachmann