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Préparer une occupation temporaire de territoire – une bulle d’air frais militant !

Les bulles peuvent fusionner, s’amalgamer, agir ensemble, se soutenir mutuellement, apprendre des unes et des autres. Les occupations d’espaces à protéger ou se réapproprier collectivement en sont un bon exemple.

S’unir autour d’une révolte contre de grands projets inutiles et polluants, rêver ensemble d’agir contre la bétonisation du sol, imaginer des occupations de territoire, habiter en nombre les maisons vides comme forme de lutte, mais aussi comme forme de vie collective à inventer. Bien avant la Zad de la colline en Suisse1, des personnes du milieu squat, du milieu antinucléaire et d’autres encore, se sont réunies de manière temporaire et plus ou moins spontanée autour d’actions d’occupation. Ces tactiques militantes offrent des bulles d’air frais à celleux qui peuvent et souhaitent s’engager autrement, par l’occupation physique d’un lieu, dans la lutte contre les ravages de la propriété privée capitaliste et de l’individualisme.

POP, non mais t’as vu ce projet de géothermie profonde à Glovelier2 ! POP, eh, mais cette immense baraque au quai du bas à Bienne3 est toujours vide ! POP, créons une contre-expertise démocratique dans la forêt du Moulin d’Amour à Vufflens-la-ville4 pour empêcher l’entreprise Orlatti de venir y creuser. POP, ce futur soi-disant écoquartier pue le béton, créons un quartier-libre à Clendy-Dessous5, POP occupons le théâtre de Vidy pour proposer un logement aux sans-abris laisséx sans toit durant les mois d’été à Lausanne6

Dans chacune de ces bulles militantes temporaires se déploie une énergie collective toute particulière. 

Tout d’abord, se rencontrer autour d’une idée d’occupation en devenir et constater qui est là procure de vives émotions. En arrivant à une réunion  plutôt secrète à laquelle des militantex ont été conviéx par contact de contact, iels découvrent des copaines des dernières occup’ ou de nouvelles têtes ; des membres d’associations et des personnes qui s’engagent localement ou des milieux militants habituel. Dans tous les cas, cela fait du bien de rencontrer ou de revoir ces gentex qui tirent à la même corde que soi.

Après les retrouvailles et après un moment plus solennel pour s’assurer que la culture de sécurité face à la répression policière et judiciaire est partagée par l’équipe, commence la répartition des tâches : formation de groupes de travail, partage des responsabilités – recherche d’infos sur le lieu visé, matériel nécessaire, logistique d’approvisionnement, d’accueil, mobilisation, communication, etc. Parfois, tout est pensé en amont, parfois très peu. Cela dépend des habitudes et des tactiques. Ce qui est sûr, c’est que les semaines avant le début d’une occupation, pour celleux qui ont la possibilité de s’y plonger car n’ont pas d’autres besoins et obligations, toustes s’activent à fond pour la rendre possible. L’impression de flotter dans une énergie collective hors du monde. Parfois, les militantex s’installent même quelques parts dans un lieu sûr, en amont des actions d’occupation, pour se préparer ensemble les jours qui précèdent. Se crée alors une bulle « pré-action » qui grouille de partout. Pendant que certainex font de la récupération de nourriture, d’autres cuisinent pour le collectif, d’autres encore regroupent ou construisent du matériel, travaillent à l’ordinateur sur la communication, ou sont en réunion permanente.

On dort peu, on se focalise sur l’objectif. On s’agace parfois. Les tensions viennent puis se dissolvent. Des disfonctionnements de groupe aux problèmes interpersonnels. On est senséx être particulièrement attentivex au soin à soi et aux autres, dans les milieux militants, mais bien souvent, le « care collectif » passe à la trappe au moment où il serait le plus nécessaire, dans les phases de stress intense.

Malgré tout, iels continuent de tenter de combiner le sérieux nécessaire à la réussite du projet et la joie militante comme force motrice.

Puis arrive le jour J (ou plus souvent, la nuit). Chacunex prend son instrument et suit sa partition, pièce cruciale du morceau qui est joué par l’orchestre. Une représentation collective unique, risquée. Le trac. 

Parfois, la surveillance policière a raison des militantex et la bulle éclate avant d’avoir pu dévoiler tout son sens. Personne ne pénètrera sur les lieux convoités. La police est déjà là, une alarme a sonné, la vigilance n’a pas suffi face à l’appareil répressif et ses tactiques de surveillance. Le rêve s’éteint, après un instant de choc puis de révolte, les corps se calment et les cœurs se pansent. Alors souvent, une descente émotionnelle difficile se joue.

Parfois, heureusement, l’occupation débute concrètement, la bulle éclate alors au monde.

1 La Zad (Zone à défendre) de la colline était une occupation temporaire dans le canton de Vaud. Les activistes s’opposaient au projet d’extension de la carrière du cimentier Holcim. La Zad a été évacuée par la police en mars 2021 et les activistes subissent aujourd’hui encore les conséquences judiciaires.  https://enbas.net/collectif-des-orchidees-orchidees-contre-beton-arme-memoires-de-la-zad-de-la-colline-2022/

2 A Glovelier, l‘entreprise GeoEnergie Suisse prévoit un projet de Géothermie profonde. Des opposantex ont appelé à une occupation temporaire de la zone avoisinante. https://renverse.co/infos-locales/article/rejoignez-le-camping-sur-fracking-a-glovelier-ju-4082

 3 A Bienne, une occupation temporaire a eu lieu récemment, dans le but de créer un espace culturel dans un bâtiment inoccupé. Leurs informations actuelles sur Instagram : https://www.instagram.com/untererquai30/ 

 4 A Vufflens-la-ville, des activistes ont occupé un coin de forêt au printemps 2023, en opposition à un projet de carrière de l’entreprise Orlatti. A ce jour, le projet a été abandonné. https://renverse.co/infos-locales/article/communique-occupation-temporaire-de-la-contre-expertise-de-la-foret-du-moulin-d-3909

 5 Le Quartier-Libre de Clendy-dessous à Yverdon en 2021 a été une expérience de reprise de territoire urbain en opposition à un projet immobilier qui prévoyait la destruction de plusieurs bâtiments d’habitation et la bétonisation de vergers.  https://renverse.co/infos-locales/article/quartier-libre-occupations-a-clendy-dessous-3264

 6 Le collectif 43m2 s’oppose à la fermeture estivale des centres vaudois d’accueil des personnes sans-abris :  https://renverse.co/mot/43m2

Morgane, activiste, participantex à diverses actions d’occupation en Suisse romande

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