Société Économie Transition

Rien ne se perd, tout se transforme !

La Gazette de l’avenir – un journal de 2030 ! – nous apprend à quoi pourrait ressembler l’économie du futur : une économie locale, au service des humains et de leurs besoins, et dans laquelle la notion de déchet n’existe plus.

2030 – Rien ne se perd, rien ne se créé, tout se transforme. Ce qui s’applique à la chimie depuis Lavoisier décrit aussi l’économie d’aujourd’hui, grâce notamment à Varing Pradkam, le fondateur de IEKA.

Nous sommes devant l’échoppe d’un petit fabricant de meubles, un immigré suédois, qui a lancé son entreprise, IEKA, il y a quelques années. « À l’époque, raconte-t-il, beaucoup de gens achetaient des
meubles peu onéreux et de mauvaise facture dans des grandes surfaces ; lorsqu’ils déménageaient, soit ils ne pouvaient pas reconstruire les meubles parce qu’ils étaient de mauvaise qualité, soit ils les jetaient parce qu’ils avaient décidé de changer la couleur du salon. Conclusion : tout finissait à la benne. Je me suis alors demandé s’il n’y avait pas une autre solution. » Aujourd’hui, le modèle économique n’a plus rien à voir, puisque les meubles ne sont pas vendus, mais loués, que ce soit pour quelques mois ou à vie. Comme un appartement, en somme. Ainsi, les client·es ne sont plus propriétaires, mais locataires. C’est une situation gagnant-gagnant.

Ce système d’économie de service est d’abord avantageux pour les client·es, qui disposent de leurs meubles aussi longtemps qu’iels le souhaitent, mais n’ont plus à s’en soucier s’iels décident de déménager, de changer la décoration de leur logement, ou si la famille s’agrandit et que le canapé deux places ne suffit plus. Il leur suffit alors de rapporter les meubles en question et, si besoin, d’en choisir d’autres. Vous déménagez dans une autre ville ou même à l’étranger ? Facile : vos meubles loués sont rendus à leur propriétaire et vous partez léger, libre de recommencer avec du mobilier adapté à vos nouveaux besoins (ou goûts) que vous louerez sur place. Et pour la chambre de bébé, qui grandit et finit par quitter le nid familial, rien n’est plus facile pour changer le mobilier au fur et à mesure. En outre, avec la location, les dépenses sont lissées dans le temps : pas besoin de débourser de grosses sommes d’un seul coup. Ainsi, il est plus facile de prévoir son budget mensuel. Enfin, des meubles qui sont destinés à durer sont gages de qualité.

Ce système bénéficie aussi au commerçant et ses employé·es, puisque la location leur assure un revenu mensuel. Ainsi, nul besoin de faire de la réclame agressive, ni de brader les produits pour écouler des stocks désuets.

Écologiquement, l’économie de fonctionnalité est imbattable et le cas de IEKA est exemplaire : « Comme les matériaux employés sont le bois, l’acier et les textiles naturels, le reconditionnement est très facile. La plupart du temps, il suffit d’un coup de ponçage et de verni sur la boiserie, et de nettoyer ou changer le tissu. Et comme tous nos textiles sont compostables, ils fertilisent les champs alentours. À part l’acier de la visserie, qui nécessite un recyclage en fonderie (ce qui est rare), tous les autres matériaux sont neutres en carbone », raconte Varing Pradkam. « Quand le bois est trop usé pour être rénové, nous en faisons des copeaux qui servent dans les toilettes sèches de l’usine. Quand je vous dis que rien ne se perd…! » Chez IEKA, pas de colles synthétiques, ni de matériaux hybrides. Toutes les pièces sont assemblées par des systèmes mécaniques, qui sont donc réversibles. « Le bois s’assemble très bien avec de la colle d’amidon, alors nous n’avons pas eu besoin de faire appel à la NASA pour développer des nouvelles technologies. (rires) Tout existait déjà ! » Plus besoin d’extraire de nouvelles matières premières, ni de s’encombrer de déchets. Les meubles sont fabriqués sur demande et les stocks sont très réduits.

Le pionnier de l’économie circulaire revient sur la transition économique opérée il y a quelques années : « Le premier secteur à avoir muté est la librairie. Très vite, on s’est rendu compte de la perte que représentaient tous ces livres gisant sur nos étagères privées : des tonnes de papier qui jaunit au fil des années, du savoir statique, figé, mort, pour ainsi dire. Peu à peu, les librairies ont cédé la place aux bibliothèques qui louaient déjà leurs livres. Le modèle de location de la bibliothèque annonçait déjà les prémices d’une économie de service : au lieu qu’un livre rapporte une fois 30 francs, qu’il soit « consommé », c’est-à-dire lu une ou deux fois, puis périsse gentiment sur une étagère, il rapporte désormais quelques francs à chaque lecture. Sa valeur, au lieu de diminuer, est multipliée ! Et dans cette fabuleuse boucle, le papier redevient papier, les livres désuets sont recyclés, ceux qui sont trop usés sont réédités et l’information ne cesse de voyager. »

Cet exemple n’en est qu’un parmi la multitude. En 2030, les grandes surfaces ont disparu au profit de l’artisanat, qui fleurit dans cette économie circulaire. De l’électroménager aux vélos en passant par l‘informatique, tous les objets se louent, se réparent, se recyclent, pratiquement à l’infini. La plupart des mines ont fermé et des milliers d’emplois manuels et respectables ont été créés, pour une économie locale réellement au service des humains. Enfin, cette nouvelle économie a complètement changé les valeurs de la société : la notion de propriété, qui était devenue incohérente dans un monde à l’évolution si rapide, a pratiquement complètement disparu ! La société de consommation a muté par la force même de son fonctionnement. En effet, il était devenu absurde et contraignant de posséder tout ce que l’on voulait acquérir au gré de nos envies. Aujourd’hui, on change et on échange le cœur léger et la conscience tranquille.


Texte:
Martin Gunn
a encore le bureau IKEA de ses 13 ans et il est attaché à ses livres, mais il sait aussi qu’un monde juste et durable est possible, à condition qu’il accepte lui aussi de se transformer…

Illustration:
Marion Delannoy

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