Non classifié(e)

Sainte bagnole, priez pour nous !

Être dans sa voiture, c’est se sentir libre comme l’air, protégé, bien confortable, et surtout puissant ! Bref c’est être dans sa bulle. Et une bulle ne se partage pas si facilement. Pourtant les formes de mobilité partagée sont une solution incontournable pour une mobilité durable.

Symbole de liberté, d’autonomie et d’indépendance, la voiture est devenue le symbole du 20e siècle, en témoigne son évolution fulgurante : de 96 voitures pour 1000 personnes en 1960, nous sommes passés à plus de 400 en 1985 (543 aujourd’hui). On ne devient pas adulte à 18 ans, mais le jour où l’on passe son permis.

Lorsque je suis arrivé en Suisse en 2011, ne pas avoir de voiture me paraissait une évidence, tellement je trouvais le réseau de transports publics bien développé, fiable et économique comparé à la voiture. Il est parfois utile de rappeler que malgré quelques retards et incidents, notre réseau est envié par bien des pays. Il suffit d’essayer de planifier des vacances en France en train pour s’en convaincre. Toutefois, se passer de voiture lorsque j’habitais à Bienne était plutôt simple mais les choses se sont compliquées en déménageant à Sonvilier, dans le Jura bernois. Car même si nous nous débrouillons plutôt bien avec le vélo et les TP, la voiture reste utile dans certains cas. Heureusement, le seul véhicule Mobility du Vallon de Saint-Imier se trouve à 3 km de chez moi. J’ai aussi la chance de pouvoir emprunter le véhicule d’un ami au village, parfois celui d’un inconnu grâce à la plateforme 2em.ch, de covoiturer pour me rendre à certains événements et occasionnellement de tomber sur une âme charitable quand il m’arrive de faire du stop.

Mais l’offre d’autopartage et de covoiturage reste faible. Ce n’est pourtant pas le nombre de véhicules qui manque et il en faudrait peu pour réduire le nombre de voitures en circulation. Chacun peut publier ses trajets réguliers sur un site de covoiturage, mettre sa voiture à disposition sur 2em.ch, prendre à bord les autostoppeurs.euses ou encore proposer à ses collègues de covoiturer quand c’est possible. Mais ouvrir sa bulle ne va pas de soi et la confier à autrui encore moins. Les experts en psychologie et en comportement humain ont là un bel os à ronger.

Et pourtant, il faudra bien y arriver car l’hégémonie de la voiture est de plus en plus insoutenable: 31% des émissions de gaz à effet de serre sont liés aux transports, dont les 3/4 à la voiture. En Suisse, 14’000 litres de carburant sont brûlés chaque minute. On n’a même plus conscience de l’omniprésence du bruit routier, de l’espace énorme qu’occupe la voiture (routes, parkings, garages) et de son impact sur le paysage.

Passer à la voiture électrique offrira clairement des avantages : peu de bruit, pas d’émissions lors de l’utilisation, meilleure efficacité énergétique, etc. Mais remplacer nos 4.7 millions de voitures et 1 million de deux-roues créera une pression énorme sur les ressources, d’autant plus que la fabrication d’un véhicule électrique pollue beaucoup plus (à l’étranger, pas chez nous). Son avantage écologique ne commence qu’à partir de 100’000 km environ.

Au-delà de la question du type de moteur (thermique), le concept même de voiture individuelle est à repenser. L’électrification de la mobilité ne règlera en rien le problème de l’omniprésence de la voiture. Au contraire, elle créera à coup sûr un « effet rebond »: comme la voiture est « propre », on l’utilise pour des petits parcours que l’on pourrait parcourir autrement, ce qui perpétue le même paradigme : plus de kilomètres, plus de voitures, plus d’infrastructures. Un cercle vicieux.

Pour atteindre la neutralité carbone visée par la Confédération, d’autres solutions complémentaires existent :
– recourir au vélo électrique permet de se rendre au travail et peut-être de remplacer le 2e véhicule des ménages
– faire le pas de troquer sa voiture contre un AG et/ou un abonnement Mobility
– mieux partager les trajets (covoiturage) et les véhicules (autopartage). Selon Mobility, un véhicule en autopartage remplace 11 véhicules individuels.
– relocaliser nos déplacements pour les loisirs et les achats et utiliser les offres de télétravail, télémédecine, achats en ligne, etc.
– développer les destinations de vacances sans voiture
– choisir des véhicules plus petits consommeront moins de ressources et moins d’énergie à l’utilisation (voir les Microlino produites en Suisse, et dont les premiers exemplaires circulent déjà)

Il faudra enfin un peu d’intelligence et de bon sens pour en finir avec cette ère de la sacro-sainte voiture. A chacun d’entre nous d’accepter d’ouvrir sa bulle, d’oser covoiturer, de prêter sa voiture, de s’en passer, bref, de montrer la voie, car c’est ce qui fera toute la différence. Comme le dit Gandhi : « Montrer l’exemple n’est pas le meilleur moyen de convaincre, c’est le seul ».

Texte:
David Vieille
 est en charge des projets « Energie » pour l’association de communes Jura bernois.Bienne. Il est l’auteur du blog alternatives-ecologiques.ch et donne des conférences sur les thèmes du zéro déchet et de l’énergie.

Photo :
Claire Magnin: « Enuu », rouler plus léger et tout tout petit…

image_pdfPDFimage_printPrint
<< Bulle de mamanVandana Shiva – wofür sie sich einsetzt >>
Teilen: