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Si vis pacem, para bellum

Cent ans déjà que nous clamons « Plus jamais la guerre » en investissant chaque année des milliers de milliards de dollars dans l’armement mondial. Vous avez dit « dissonance cognitive»?

On parle souvent du coût de la guerre, mais rarement du prix de la paix. Chacun sait qu’il faut des sous pour bombarder son voisin, mais la plupart d’entre nous pense que la paix va de soi, qu’elle est un état par défaut, gratuit, en somme. Pire, certains pensent même qu’il faut financer une armée pour la garantir, montrer les crocs pour  dissuader l’agression. Si vis pacem, para bellum : « si tu veux la paix, prépare la guerre ! ». Cette locution oxymorique peut fonctionner dans un contexte précis (un videur de boîte de nuit baraqué avec une matraque à la ceinture et un  Rottweiler grognant au bout d’une laisse a un pouvoir de dissuasion plutôt efficace), mais lorsque les enjeux dépassent une entrée gratuite en discothèque, l’Histoire nous montre que cette philosophie a des limites. Ainsi, lorsque les deux nations les plus puissantes du  monde, dirigées par des présidents aux égos surdimensionnés, se lancent dans un concours de celui qui a la plus grosse, on se retrouve avec de milliers d’ogives nucléaires de chaque côté, et la diplomatie  mondiale en funambule au-dessus de la catastrophe qui éradiquerait la vie sur Terre: la Guerre  froide.

Même la Suisse, soi-disant neutre, a adopté ce paradigme et dilapide chaque année 5 milliards de francs (nos sous !) pour entraîner les mâles du pays à faire joujou avec des fusils-mitrailleurs, des tanks, des grenades, des avions de chasse, et tout un arsenal destiné à tuer et à détruire, tout en condamnant d’un air supérieur la violence armée.

Malheureusement, depuis l’invasion de l’Ukraine par la Russie, le monde  semble avoir oublié la leçon de la fin du XXe siècle en augmentant ses budgets militaires et en fantasmant devant le concept de « paix armée ». Chacun se  protège de l’agresseur potentiel dans une formidable course à l’armement qui ne connaît aucune limite. Le hic, c’est que, comme disait Pierre Larousse, « les peuples sont de grands enfants : quand on a de si belles armes, il se trouve toujours des fous qui brûlent de les essayer. » Investir dans l’armement pour garantir la paix est une absurde chimère.

Et l’investissement dans la paix, alors ? Oh, je ne dis pas que j’ai une recette toute prête pour mettre un terme au conflit russo-ukrainien (et israélo-palestinien dans la foulée). Mais je me désole de voir que nous dépensons nos efforts et nos sous dans le mauvais projet. Est-ce que l’Europe peut se targuer d’œuvrer pour la paix en pendant des drapeaux ukrainiens aux frontons de ses mairies ? Ou en donnant 50 milliards pour que le pays puisse continuer à se battre ? Ferons-nous plier Vladimir Poutine en illuminant l’Arc de triomphe bruxellois en bleu et jaune ? Arriverons-nous à faire renoncer Benjamin  Netanyahu en écrivant « Free Palestine » à la craie sur le trottoir ? Atteindrons-nous l’harmonie des Nations en se contentant de décerner solennellement le Nobel de la Paix a quelques martyrs ?… Non sans oublier l’ironie de la situation : Alfred Nobel est l’inventeur de la dynamite…

Alors non, je n’ai toujours pas de solution. Mais je pense que nous pouvons au moins changer d’état d’esprit et, si nous voulons la paix, alors… préparons la paix !

Texte:
Martin Gunn
n’a pas fait de service militaire et il ne sait pas se battre … même pour la paix!

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