Valeurs Société Points de mire Urbanisme

Un exemple inspirant : le budget participatif de la Ville de Lausanne

Un numéro sur le développement urbain se doit d’intégrer la question de la participation des habitants à ce développement, que les moyens et la forme de cette participation soient réfléchis, afin qu’elle ne devienne pas une opération alibi. L’exemple de la ville de Lausanne peut inspirer, sous la direction du service quartiers, jeunesse et familles, Julie Erard, cheffe de projet budget participatif, a bien voulu répondre à nos questions.

La Ville de Lausanne a instauré en 2019 un dispositif de budget participatif. Concrètement qu’est-ce que cela signifie? Un budget annuel de CHF 200’000 a été alloué pour financer des projets participatifs. En 2023 une trentaine de projets ont été présentés, 20 ont été retenus et soumis au vote de la population lausannoise, et 13 sont sortis lauréats…. En 2023, parmi les 13 projets lauréats, il y a eu par exemple, un guide de la ville gratuit conçu par les habitants eux-mêmes, un terrain de Pétanque aux Echelettes ou la création d’une journée culturelle pour les enfants. 

 Mais pour reprendre par le début, selon Mme J. Erard, tout dispositif de budget participatif exige un cadre, afin que les possibilités comme les contraintes légales  soient clairement définies. Cette étape évite les déceptions ou les aspirations irréalistes. Mais on peut rêver, entre ce qui est idéal et ce qui n’est pas possible il y a un espace à occuper…

Ensuite, le but d’un processus participatif est d’encourager les habitants de la ville ou d’un quartier à exprimer leurs besoins, à formuler des propositions et à renforcer leur pouvoir d’agir. Ce dispositif permet ainsi de rapprocher l’administration du citoyen, et la cheffe de projet s’en réjouit : « on constate un décloisonnement entre les services administratifs, la police, les services juridiques, les services techniques, etc.  qui doivent communiquer entre eux pour chaque projet présenté.  On constate également un rapprochement entre les citoyens et l’administration et vice et versa et un plus grand respect de la part de l’administration pour l’engagement de citoyens qui ont travaillé sur un projet. »

L’information sur le dispositif du budget participatif est le nerf de la guerre, s’assurer que chacun et chacune non seulement ait pris connaissance de son existence, mais également que l’information soit précise, exacte, compréhensible et motivante ! Ainsi, les contacts et les relais dans les quartiers ont été mis à contribution. Tout au début du projet, la ville de Lausanne a entamé une collaboration avec une association spécialisée. Pour diffuser l’information, les maisons de quartier ont été sollicitées  et cerise sur le gâteau:  « … nous avons institués les « ambassadeurs de quartier » formés des jeunes, que nous avons rétribué.es et qui ont fait la promotion du budget participatif dans les rues ». 

Pour que le dispositif fonctionne et renforce la participation citoyenne, et surtout celle des couches sociales défavorisées, il est important d’offrir un soutien aux personnes et aux groupes. Quel soutien ? Les premières années, comme nous l’explique Mme Erard, nous avons mis sur pied des permanences d’accompagnement, dont le but était d’une part de soutenir les personnes dans leurs projets et d’autre part de faire la promotion du dispositif.  Actuellement ce sont les centres de quartiers qui offrent de l’aide, par exemple pour élaborer un budget, mettre par écrit le projet, et enfin nous de petites formations en gestion de projet sont offertes. La plateforme participative de la Ville permet de retrouver toutes les informations nécessaires (www.participer.lausanne.ch).

Quel est le le processus de décision lorsqu’un groupe d’habitant propose un projet ? 

D’abord il y a chaque année une date limite pour déposer les projets. Puis ils sont examinés par le service du budget participatif qui procède à un premier tri et contrôle le respect des critères fixés. Ensuite chaque projet est envoyé aux différents services potentiellement concernés : police, pompiers, mobilité, parcs et domaines, espaces publics, etc. Ceux-ci font une analyse de la faisabilité technique, juridique et financière et peuvent rencontrer les promoteurs du projet pour d’éventuels réajustements. Et, en dernier lieu, la population lausannoise a le dernier mot ? En effet et Madame Erard précise bien la marche à suivre : « Depuis 2022 les projets retenus sont envoyés à tous les habitants de Lausanne, quel que soit leur statut, leur permis, leur âge, avec un bulletin de vote et une lettre du conseiller municipal ou de la conseillère municipale responsable du domaine. Chaque habitant doit voter pour trois d’entre eux, pour ainsi assurer une juste répartition des votes. Les projets qui récoltent le maximum de voix seront réalisés jusqu’à concurrence de CHF 200’000 à disposition. Cette manière de faire a permis une meilleure participation au vote ». 

Et quels sont les moyens financiers à disposition ?

Le coût de chaque projet ne doit pas dépasser la somme de CHF 20’000. Ce sont chaque année environ 20 projets qui sont retenus, et environ 10 d’entre eux seront réalisés. Le coût global se monte à  CHF 300’000, plus les salaires des employé.es. 

Quels effets a eu cette politique ? 

Elle a permis de mieux sentir les tendances, les projets reflètent aussi les préoccupations de la population ce que l’administration ne peut pas toujours pressentir. Un bilan de 6 ans d’activité autour des projets participatifs a été fait par une entreprise externe. Le constat entre autres est que « le budget participatif peut être considéré comme un succès, tant au niveau du nombre de sujets proposés, qu’en termes de vote. … les thématiques portent majoritairement sur le renforcement du lien social et l’environnement…. Il a en outre permis l’émergence de nouveaux acteurs locaux… ». *Le dispositif tel qui est organisé permet aussi de rapprocher administration et administrés. 

Et à Bienne ? 

A Bienne, moultes groupement, associations ou individus participent à leur manière à la vie de la cité, les derniers en date étant le Quai du Bas 30, IG Räume für Träume, l’Amicale, etc. Le 21 mars 2024, les Vert.e.s Biel-Bienne ont déposé une motion pour des mesures favorisant la participation de la population à la vie publique biennoise dans le cadre de la mise en œuvre de l’article 6 du nouveau règlement de la ville.  Cependant il serait judicieux, lors du débat sur cette motion, de proposer concrètement la mise en place d’un dispositif de budget participatif, qui donnerait, comme à Lausanne,  l’opportunité aux habitants des quartiers de développer leurs propres projets qui répondent à leurs besoins.  

Guide practique
La Ville de Lausanne est en train de développer un guide pratique, à destination des collectivités publiques. Ce guide sera un retour d’expérience du modèle lausannois de budget participatif, construit de manière participative avec d’autres Villes suisses. La sortie est prévue pour cet automne.

Références
Le budget participatif dans la ville de Lausanne – Rapport final d’évaluation du projet pilote 2019-2021 Marine Benli-Trichet & Daniel Kübler Zentrum für Demokratie Aarau

Texte :
Claire Magnin, comité de rédaction

image_pdfPDFimage_printPrint
<< La ville apaisée„Die Quartierzentren sollen wieder an Bedeutung gewinnen“ >>
Teilen: