Le 11 mars 2022, la décision est officialisée : Le secrétariat d’État au migration (SEM) décide de donner le permis S aux personnes venant d’Ukraine. Un mois plus tard, le lundi 11 avril, les habitants alémaniques du centre de déboutés de Boujean ont dû déménager à Enggistein, en pleine année scolaire avec le risque de perdre leur aide d’urgence en cas d’opposition.
Je voudrais ajouter quelques autres comparaisons :
1) Les réfugié.es fuyant la guerre en Ukraine ont eu droit à un permis S, des transports publics gratuits, des droits et des prestations bien plus étendus et un vague de solidarité que la Suisse n’avait pas montré depuis la révolution hongroise de 1956.
Pourquoi ce permis S est-il resté dans les tiroirs pendant toute la durée de la guerre en Syrie massivement soutenue par Poutine, ou quand les premiers réfugiés venus d’Afghanistan sont arrivés en Suisse ?
A quoi donne droit le permis de séjour, der Ausänderausweis? Et pourquoi n’y aurait-on pas droit sans ce permis ?
Si un permis de séjour est refusé à un.e migrant.e, il ou elle n’aura pas accès à toutes les prestations sociales, telles que l’aide sociale, l’aide pour la caisse maladie ou à certains droits tels qe le droit de travailler ou au regroupement familial, qui font partie des droits humains que nous retrouvons dans les conventions signées par la Suisse.
Les discours contradictoires, entre l’un voulant respecter les droits de l’hommes et l’autre une politique migratoire très stricte sont des entraves à ces droits.
A cela s’ajoute le fait que les personnes sans permis de séjour peuvent toujours être sanctionnées pour séjour illégal qui est considéré comme une infraction dite permanente.
2) Dans les écoles on fait des séances de coordination des cours de langue étrangères pour les nouveau.elles arrivant.es, on cherche à engager des personnes sans qu’aucun diplôme ne soit exigé.
Parallèlement, les cours de DaZ ( Deutsch als Zweitsprache) réguliers sont annulés. Les enfants qui profitaient de ces cours n’ont plus que le choix d’attendre la prochaine année scolaire ou de suivre les cours avec les nouveaux arrivants ukrainiens, donc au niveau A1 de débutant.
La distance entre la Suisse et les autres pays décide-t-elle en fin de compte du destin de leurs populations ? Loin des yeux loin du cœur ?
Souvent, l’on suppose que des personnes venues d’ailleurs ont une façon différente de percevoir et de juger les choses – des autres valeurs donc.
Mais cette supposition est en fin de compte injustifiée et basée sur des stéréotypes racistes.
Si nos décisions en tant que société d’accueil sont fortement influencées par des stéréotypes, elles témoignent d’un racisme institutionnel qui dénie l’existence des valeurs universelles, telles que la paix, la justice ou l’égalité.
Le moment est venu où cette expression « loin des yeux, loin du cœur » ne peut plus cacher un racisme institutionnel profondément ancré, il faut le voir en face.
Texte :
Emma Lea Laneve, 19 ans. Après la fin du gymnase, elle terminera un stage dans l’association biennoise Tasamouh en septembre 2022. Elle s’intéresse à la politique, aux inégalités sociales et souhaite s’impliquer dans des projets qui renforcent le vivre ensemble à Bienne.
Photo :
Urs P. Gasche de infosperber.ch
Caricature de Osama Hajjaj, Jordanien
Expo : Dessins pour la liberté, Genève, mai 2022