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La Convention internationale des droits de l’enfant… et la Suisse !

Les poètes déclarent que quelles que soient les circonstances, un enfant ne saurait naître en dehors de l’enfance; que l’enfance est le sel de la terre, le sol de notre sol, le sang de tous les sangs, que l’enfance est donc partout chez elle, comme la respiration du vent, le salubre de l’orage, le fécond de la foudre, prioritaire en tout, plénière d’emblée et citoyenne d’office. (Frères migrants Patrick Chamoiseau)

L’instance internationale supérieure qui fixe les principes directeurs concernant les droits de l’enfant est la Convention internationale des droits de l’enfant (CIDE) adoptée par l’Assemblée générale de l’ONU en 1989. La Convention compte 54 articles, que l’on peut les résumer en 4 grands principes : la non-discrimination, l’intérêt supérieur de l’enfant, le droit de vivre, survivre et se développer ainsi que le respect des opinions de l’enfant. 

Cependant la question des droits de l’enfant a déjà été traitée en 1924, par la Société des Nations qui vote une déclaration des droits de l’enfant, mais sans force obligatoire. Elle fait suite aux ravages de la 1ère guerre mondiale et la généralisation de la scolarisation.

 En 1959, l’ONU adopte à nouveau une « déclaration des droits de l’enfant ». Et c’est en 1989 qu’est adoptée l’actuelle convention internationale des droits de l’enfant (CIDE). Mais il faudra attendre 1991 pour que soit créé le Comité des droits de l’enfant, placé auprès du Haut-Commissariat des Nations unies aux droits de l’homme. Ce comité est chargé du suivi régulier de l’application de la convention et des protocoles facultatifs par les parties signataires. Celles-ci doivent fournir des rapports sur les réalisations concrètes des principes de la convention, dans les législations nationales. Le comité fait des recommandations et contrôle que ces recommandations soient mises en œuvre. 

Et qu’en est-il de la Suisse ? 

Le Conseil national a ratifié la Convention en 1997 et a confié à l’Office fédéral des assurances sociales la tâche de coordonner les travaux et de rédiger les rapports sur l’état de l’application de cette convention.  La Loi sur l’encouragement de l’enfance et de la jeunesse en règle l’organisation au niveau fédéral et la collaboration avec les cantons. Il a été également mis en place la commission fédérale pour l’enfance et la jeunesse, dont la tâche est d’étudier la situation générale de la jeunesse en Suisse et de proposer des améliorations aux autorités fédérales. 

Lors de sa ratification, la Suisse a émis des réserves, qui valent encore en 2020 : 

Article 10.1 droit au regroupement familial : elle maintient sa réserve sur cet article. Le droit au regroupement familial en Suisse n’est pas un droit absolu et en sont exclus les bénéficiaires d’un droit de séjour limité dans le temps et les demandeurs d’asile en cours de procédure. Et pour les autres ressortissants étrangers, ce droit dépend aussi de la capacité financière du demandeur.  Ainsi, si la Suisse veut retirer sa réserve, elle doit d’abord modifier la loi sur l’asile et la loi sur le séjour des étrangers. 

Article 37 séparation des adultes en cas d’emprisonnement : en principe la loi a été adaptée, mais les données concrètes concernant la détention de mineurs sont insuffisantes. La Suisse maintient provisoirement sa réserve. 

Article 40 : le droit inconditionnel à une assistance   juridique, cette possibilité existe au niveau du droit, mais n’est pas gratuite, donc ce droit n’est pas inconditionnel, les parents ou l’enfant qui peuvent payer un avocat doivent prendre en charge les frais. 

Article 40.2.b : la séparation entre l’autorité de l’instruction et celle du jugement ne correspond pas à la tradition juridique suisse qui préconise une justice éducative et qui priorise les liens en entre le jeune et le juge. Mais le juge peut être récusé sans motif.

Cependant le comité a fait également d’autres recommandations touchant aux structures politiques et administratives de la Suisse : 

  • La mise en place d’une structure indépendante pour surveiller l’application de la convention, exiger des changements lorsque celle-ci est violée, examiner des plaintes individuelles émanant d’enfants aux niveaux cantonal et fédéral. La discussion est actuellement ouverte au Parlement, mais cette structure n’aurait qu’un rôle de conseil aux autorités sur l’ensemble des droits humains, y compris les droits de l’enfant. A voir ce qui sortira des débats aux chambres fédérales!
  • Le comité recommande également à la Suisse de mettre en place une véritable politique nationale des droits de l’enfant, car les différentes politiques cantonales ne permettent pas de garantir les droits de chaque enfant de manière homogène. La loi sur l’encouragement de l’enfance et de la jeunesse ne porte pas sur l’ensemble des points de la convention, mais sur les activités de jeunesse. Dans sa réponse, la Suisse se contente d’améliorer la collaboration entre la Confédération et les cantons et maintient le rôle subsidiaire de la Confédération. Le fédéralisme reste un dogme indéboulonnable !
  • Il recommande également d’organiser au niveau fédéral des collectes de données sur l’ensemble des points de la convention, et en particulier ceux concernant certains groupes vulnérables, tels que les MNA, les enfants clandestins, les enfants handicapés ou les demandeurs d’asile.
  • Enfin, la question de « l’intérêt supérieur de l’enfant » est interprétée par la Suisse de manière identique au « bien de l’enfant » et la Suisse rechigne à mettre en place des instruments permettant effectivement que les décisions le concernant soient examinées prioritairement sous l’angle de son intérêt, surtout lorsqu’il y a des litiges le concernant. La Suisse interprète les deux termes de manière égale. Alors que pour la CIDE c’est une considération primordiale. 

Les mesures proposées par le Comité des droits de l’enfant visent à permettre le développement d’une politique de l’enfance homogène au niveau fédéral n’ont pas fait bouger le Conseil fédéral . La Suisse est un pays fédéraliste et ce sont les cantons qui sont responsables de la mise en œuvre concrète des droits de l’enfant. La Confédération s’engage à coordonner, sensibiliser, étudier la possibilité de… et délègue une grande partie des tâches aux cantons … ainsi que les coûts. 

Mais ce qui est frappant est l’absence totale de volonté de prendre des mesures concernant les discriminations subies par les enfants les plus vulnérables : enfants demandeurs d’asile, enfants sans papiers, mineurs non-accompagnés. enfants dont les parents sont déboutés. De nombreux travailleurs sociaux, bénévoles ou élus ont dénoncés des situations d’abandon à eux-mêmes d’enfants sans papiers ou non accompagnés, de ségrégation d’enfant demandeurs d’asile, d’enfermement des enfants avec leurs parents dans des centres de renvoi. La réponse du Conseil fédéral à toutes les recommandations du comité des droits de l’enfant est : pas de nécessité d’agir au niveau fédéral ! Et la loi sur l’asile répond aux besoins ! Vraiment ?

Mais il est un autre sujet sur lequel il est nécessaire de réagir : la situation des enfants suisses emprisonnés avec leur mère suisse dans des camps en Syrie et que la Suisse refuse de rapatrier. Sur ce point on peut affirmer que la Suisse viole l’entier de la Convention : elle discrimine des enfants, elle ne respecte pas l’intérêt supérieur de l’enfant, (ni d’ailleurs le bien de l’enfant), le droit de vivre, de survivre et de se développer des enfants et leur droit à la parole et ‘être protégé lors de conflits armés. De plus La Suisse, qui a ratifié le protocole facultatif concernant l’implication d’enfants dans les conflits armés, a l’obligation de protéger ses citoyens mineurs, en particulier les enfants en bas âge et se trouvant dans une zone de conflit. Faut-il rappeler que les enfants ne sont pas responsables et n’ont pas à souffrir des décisions de leurs parents. L’excuse de la sécurité intérieure pourrait faire sourire si ce n’était pas si dramatique pour les enfants concernés. Ils sont 7 et deux d’entre eux ont été rapatriés avec leur mère par la Belgique ! Il en reste 5 et leur demander de choisir entre la Suisse et leur mère est d’une incroyable cruauté, quel enfant va abandonner sa mère dans un tel camp ? Ces enfants ont les mêmes droits que ceux d’ici et doivent être rapatriés avec leur mère ! 

Ainsi il reste beaucoup à faire pour que la Suisse se dote d’une vraie politique de l’enfance au niveau national, élimine les discriminations liées au statut de résidence, se donne les moyens d’écouter et surtout d’entendre les enfants et les adolescents. En résumé, sortir de sa frilosité et se montrer déterminée et cohérente entre les textes qu’elle signe et les actes qu’elle ne fait pas. Et qu’en pensent nos lecteurs?  Eux qui ont la responsabilité d’enfants qui n’ont pas les mêmes droits ou les mêmes possibilités selon où ils habitent ? 

Texte: Claire Magnin, comité de rédaction. S’engage depuis de nombreuses années pour la protection des adolescentes et des jeunes femmes.

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