L’association SpirulineBienne, pionnière dans la culture et la promotion de cette micro-algue à Bienne. Rencontre avec le responsable de la production, François Brun.
« SpirulineBienne» est une association formée par un comité de 4 bénévoles passionnés dont le but est de promouvoir la connaissance, la culture, et la consommation de la spiruline en Suisse. Elle entend aussi sensibiliser la population à l’impact de l’alimentation sur l’environnement par l’intermédiaire de rencontres avec les écoles et avec la population. Installée sur le terrain de La Gurzelen à Bienne, elle dispose d’un bassin de 60m2 dédié à la culture de la spiruline.
François Brun: suite à une reconversion professionnelle en 2008 en arboriculture biologique et après avoir vécu 8 ans en dehors de l’Europe dans plusieurs pays chauds, il a découvert la spiruline dans une petite exploitation d’un village alternatif en Isère, en France. Depuis ce jour il n’a cesséde s’intéresser et de se former à la production de cette micro-algue et a envie de partager ses connaissances à ce sujet.
Comment t’est venue l’idée de cultiver de la spiruline ?
Après un diplôme de chef d’exploitation en agriculture biologique, l’objectif était de trouver une source de protéines (viandes, soja…) qui soit respectueuse de l’environnement. La culture de la spiruline ne requiert ni pesticide, ni herbicide, ni fongicide, ni insecticide, ni OGM. Elle nécessite moins d’eau et moins de surface agricole que toutes les autres sources de protéines. Il n’y a pas besoin de gros matériel énergivore en pétrole pour sa production. Pour couronner le tout, elle participe à la lutte contre l’effet de serre, car elle consomme du CO2 et produit de l’oxygène.
Si tu devais décrire la spiruline en une phrase.
La spiruline est un micro-organisme photosynthétique qui dispose de qualités nutritives extraordinaires, elle est notamment très riche en fer, en vitamines, en protéines et possède des propriétés antioxydantes.
D’où proviennent les premiers organismes de spiruline ?
La spiruline est une cyanobactérie qui date de 3 milliards d’années, elle est
utilisée traditionnellement chez les Kanembous une tribu originaire du Tchad. On retrouve aussi des traces d’une consommation chez les Aztèques. Dans notre société elle a été découverte par hasard dans les années 60 au Mexique par des industriels: une entreprise, la Texaco, est la premièreàdécouvrir ses richesses et à les exploiter industriellement. Parallèlement en 1969, un couple d’idéalistes chercheurs M. et Mme Ripley D. Fox découvrent les vertus de la spiruline. Ils passeront le reste de leur vie à développer un système simple de production viable, propre, écologique, peu couteux et reproductible. Ce système est utilisable dans les pays chauds, pauvres en terres agricoles puisqu’il s’agit d’une culture en bassin.
La spiruline gagne donc à être connue ?
Oui, effectivement! Déclarée par l’OMS aliment du 21ème siècle, elle reste toutefois méconnue du public. Elle est produite à échelle industrielle dans certaines zones du globe (où), dans des fermes géantes qui privilégient la quantité à la qualité. Parallèlement, des associations telle qu’Antenna Suisse s’y intéressent pour mettre des programmes de lutte contre la malnutrition dans les pays du Sud tels que l’Inde ou Madagascar (www.antenna.ch). Le modèle agricole développé dans le nord pour la production artisanale de qualité est issu de cette expérience. Il existe plus de 200 fermes artisanales en France. En Suisse, « SpirulineBienne » figure parmi les pionniers.
Depuis combien de temps t’intéresses-tu à la spiruline ?
Je m’intéresse à la spiruline depuis 2008, et j’en produis à titre privédepuis 4 ans. J’ai rencontré plusieurs spiruliniers et j’ai suivi deux formations agricoles spécifiques.
Cultiver en milieu urbain est novateur. Pourquoi as-tu fait ce choix ?
D’une part être en milieu urbain permet de sensibiliser un public plus large. La Gurzelen est un lieu d’échanges et de coopération. Ce lieu est parfaitement adapté pour ce projet du fait de son emplacement en plein cœur de la ville de Bienne et de sa proximité des écoles, mais aussi du fait des différents projets déjà en place sur ce terrain. Des échanges, des synergies et des collaborations sont aisément possibles.
D’autre part, alors qu’on estime que pour une production professionnelle il faut 400m2, le choix d’un bassin de 60 m2 permet d’assumer la difficulté technique d’une production professionnelle tout en permettant une culture artisanale urbaine accessible à tous.
Comment est-elle cultivée ?
Elle se développe dans des bassins de faible profondeur (10 à 20 cm). Elle vit dans un milieu alcalin (pH > 10) et légèrement salée, et elle aime la chaleur. En Suisse, la culture doit avoir lieu sous serre.
Pour créer un milieu salé et alcalin nous utilisons du bicarbonate de sodium alimentaire et du sel de Guérande «Nature et Progrès», pour sa richesse en oligo- élements nécessaires pour la spiruline. Pour la nourrir, actuellement il n’existe pas de minéraux biologiques compatibles avec la spiruline pour produire une culture 100% «bio». A part le potassium utilisable en agriculture biologique, nous utilisons de l’azote 0,01g/l et du phosphore 0,1 g/l, par contre, tout surdosage tue la culture et du fait que nous sommes en bassin, tous les minéraux sont consommés. Il n’y a pas donc pas de pollution possible du milieu extérieur comme par exemple le lessivage de nitrates en agriculture conventionnelle.
Il faut une température à 37 degrés pour la cultiver, mais quelle est la consommation d’électricité ?
Aucune consommation d’électricité pour le chauffage: la serre chauffe uniquement avec les rayons du soleil. L’électricité est uniquement nécessaire pour la pompe de brassage d’eau 24h/24 qui consomme env. 24 watt. entre le début et la fin de la saison.
Comment la spiruline est-elle récoltée dans le bassin?
La spiruline est filtrée avec un filtre à 30 microns (la spiruline fait 1/10 mm). Il en ressort une pâte épaisse et verte qui ressemble à de la mozarella et qui est assez neutre en goût. Comme elle se conserve peu de temps sous sa forme fraîche, elle est rapidement séchée. Une fois séchée, elle peut se conserver pendant plus d’une année.
Comment consomme-t-on la spiruline?
Elle peut être consommée sèche avec un verre de jus de fruit ou réhydratée dans un yogourt, en pesto, en glace, en vinaigrette, tout est possible! Il vaut mieux éviter de la chauffer car elle perd certaines de ses qualités à la cuisson.
Où achète-t-on les micro-organismes, comment se les procurer pour commencer une culture ?
Pour l’instant, il existe un ou deux producteurs de semence en France, mais la plupart du temps, la semence se transmet entre producteurs. C’est le cas de spiruline Bienne avec une semence de type indienne (souche Lonar) qui vient du CFPPA (centre de formation professionnel de production agricole) de Hyères en France et qui nous a été offerte gracieusement.
Où en est le projet aujourd’hui ?
La serre est en place, les bassins sont construits, la spiruline est dans les bassins en phase de multiplication. Nous avons besoin de soutien financier pour l’achat du matériel de transformation. Une campagne de financement participatif a été lancée début juin jusqu’au 29 juillet via la plateforme we make it. Elle servira à financer la construction de l’atelier récolte et transformation. Ainsi toute personne intéressée peut via le site wemakeit.com nous soutenir et choisir des contreparties : un repas bio lors de la fête de la spiruline le 14 septembre prochain, une formation privée ou en groupe, venir visiter la serre et déguster de la spiruline fraîche ou recevoir un paquet de spiruline sèche de la 1ere récolte.
Patrick Presi
INFOS PRATIQUES
QUI? www.spirulinebienne.ch
COMMENT? https://wemakeit.com/projects/spirulinebienne-2017
OÙ? Sur le terrain du Gurzelen, à Bienne
QUOI? Formation à la culture etàla consommation de la spiruline tout public