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« On veut un lieu de rencontre et d’action féministe à Bienne ! »

Le 14 juin dernier, à l’occasion de la Grève féministe à Bienne, le collectif ULTRAVIOLET.T a installé un studio de radio éphémère dans la librairie Bostryche. Durant toute la journée, des voix se sont succédées aux micros et ont été rediffusées par de gros haut-parleurs sur la Place de la Fontaine magnifiquement décorée de rose et de violet pour l’occasion. Ce projet un peu fou a permis de réunir différentes personnes engagées localement, entre autres à l’occasion d’une table ronde rassemblant plusieurs collectifs féministes biennois. Dans une atmosphère très chaleureuse, six personnes ont échangé pendant une heure de leurs pratiques quotidiennes et de leurs espoirs pour un futur désirable et féministe. L’enregistrement de la discussion ayant été perdu, voici quelques souvenirs des points forts de la discussion :

La discussion débutait sur une présentation des activités de chacune. Il y avait autour de la table, Naomi Rey, du collectif Queerbienne, une jeune association qui s’engage pour une meilleure compréhension et visibilité des personnes LGBTQIA+ à Bienne et propose des moments de sociabilités entre personnes concernées. Claire Magnin, engagée de longue date, amenait son expérience dans la lutte contre les violences faite aux femmes, et présentait la Mädchenhaus. Ariane Plomb, présentait les activités de l’espace filles Artemiss, un lieu de rencontre pour les filles dès 10 ans. Naïma Serroukh représentait l’association Tasamouh, pour le dialogue interreligieux et contre la radicalisation conduisant à la violence. L’association Mosaïk qui propose des interventions dans les écoles biennoises était représentée par Emmanuelle Houlmann. La table ronde était animée par Anne-Valérie Zuber, membre du collectif de la grève féministe et d’ULTRAVIOLET.T. Le collectif afroféministe CABBAK a contribué aux échanges par une sélection de textes littéraires et poétiques préenregistrés qui ont ponctué la discussion.

Premier constat, la rencontre, emplie de sororité, a été un véritable moment de convergence. C’est une des forces du 14 juin (ou à l’époque, le 8 mars) : réunir des personnes qui n’ont que peu l’occasion de se rencontrer au quotidien, à l’occasion d’une journée spécialement dédiée aux revendications féministes. Ça revigore, ça fait du bien, on se rappelle qu’on vient de loin, et ça remet du vent dans les voiles pour poursuivre sa route. Pour les invitées, se retrouver autour d’une même table a permis aux unes et aux autres de se reconnaître, et de constater à quel point toutes tirent sur la même corde, à partir de leurs approches situées et personnelles : « On a amené chacune notre ingrédient pour faire cette grande soupe féministe, et chacun de ces ingrédients est nécessaire », se rappelle Naïma Serroukh. C’est dans ce même ordre d’idée qu’à la fin de la rencontre a été formulé le désir d’avoir un lieu collectif à Bienne, une « maison des féminismes » où l’on pourrait se retrouver et échanger également de manière informelle – pas uniquement pour des réunions de travail. Un lieu où de nouvelles idées pourraient émerger et où l’on pourrait également faire la fête, à l’image des « centres femmes » des années 1970 et 1980. L’appel est ouvert, qui, quand, où s’ouvrira un lieu autogéré et féministe à Bienne ?

La discussion porte rapidement sur les violences, les violences insensées du patriarcat, les violences dirigées contre les femmes et contre lesquelles, inlassablement, il faut se battre. À Bienne, il y a la maison d’accueil de Solidarité femmes et puis il manque toujours une Mädchenhaus, Toujours en attente d’une décision du canton, malgré les besoins avérés. Chaque personne autour de la table a son propre vécu face aux discriminations sexistes, racistes, classistes, validistes ou encore homophobes. C’est pourquoi la question de l’éducation est si cruciale, elle aussi, comme une riposte aux violences. Toujours répéter, témoigner, en parler, dire d’autres façons d’être et de faire. Dire qui nous sommes, nos vécus, se transposer dans celui des autres, être solidaires, créer des moments pour se retrouver entre personnes concernées. Et pourquoi pas, intervenir dans les classes d’écoles et dans les réunions des parents comme le propose Mosaïk. Toujours, être solidaires face à la violence, aussi au sein de nos milieux. Là encore, Naïma Serroukh témoigne de sa propre expérience auprès de féministes européennes qui attendraient qu’on soit « comme elles » pour avoir une place dans la lutte pour l’égalité : « mais ce n’est pas en demandant à une femme d’enlever son voile qu’on va l’aider à s’autonomiser » ajoute-t-elle. Et Emmanuelle Houlmann de lancer un appel : « nous avons étonnamment beaucoup de mal à trouver des intervenantes alémaniques ». Le même constat est partagé au sein de la grève féministe. Est-ce qu’il y aurait un Röstigraben militant ?

À l’intersection de toutes les injustices, le terme « intégration » est dénoncé avec véhémence par les intervenantes : « le mot intégration, c’est une peine à perpétuité, car il n’y a pas de fin, pas d’examen réussi, pas de critères qui certifient que l’on est intégré. Je suis pour le supprimer de notre langage. » dit Claire Magnin. Il en va de même pour le mot « migrant » qui a remplacé « immigré » et produit ainsi des habitant·e·s jamais arrivé·e·s. Pour Naïma Serroukh, ce sont souvent de véritables projets professionnels qui manque aux femmes, et non pas des projets d’intégration et des places de bénévolat « aujourd’hui je dis aux femmes de ne plus perdre de temps (…) ». Mais travailler dans quelles conditions ? Et en cumulant quelles tâches payées et non-payées ?

La discussion prend fin avec le sentiment de s’être véritablement trouvées. Les intervenantes se quittent avec une conviction renouvelée dans la nécessité de confronter régulièrement les expériences des personnes actives dans différents domaines féministes afin de créer des liens solides et permanents qui eux renforcent la solidarité et la loyauté.

Retrouvez l’ensemble de la programmation radiophonique du 14.06.2022 ainsi que certains enregistrements sur www.ultraviolet-t.ch

Autrice : Anne-Valérie

Photo : © Lucas Dubuis

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