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Capitalisme 4.0?

Pour saisir les enjeux de la digitalisation du monde nous devrions avant tout regarder qui se cache derrière nos écrans. Si ceux-là nous promettent des enchantements, ceux-ci n’ont pas d’état d’âme. Un article qui dessine une réponse politique. 

Le capitalisme cherche en permanence des nouveaux marchés solvables pour trouver de nouveaux profits.

L’idéologie présentée autour de la nouvelle « révolution digitale » obéit à cette logique. Quels seront les grands marchés de masse qui vont se substituer à ceux qui présentent aujourd’hui des signes de saturation. De manière significative, le WEF a programmé pour la troisième année consécutive le thème de la « révolution industrielle 4.0 ».

Le parc automobile fait partie de ces nouveaux paradigmes. Sous couvert de voiture « intelligente » et de lutte contre le CO2 se cache un enjeu gigantesque, le remplacement à moyen terme du parc mondial par des voitures électriques, « autonomes » et connectées. Le dernier Consumer Electronic Show de Las Vegas de janvier 2019 a dévoilé la rude bataille en cours pour capter le marché. La triple révolution de la voiture du futur. La justification écologique et de confort sert à masquer les intérêts des industries automobile et énergétiques. La soif du profit dicte les solutions proposées, excluant toutes autres propositions alternatives et réellement écologiques.

Les mêmes constatations s’appliquent au thème du « big data ». Quelles sont les finalités de l’utilisation de ces informations ? L’assouvissement attribué aux besoins présumés de nouveaux consommateurs par une connaissance de leurs faits et gestes, au moyen de milliards d’appareils connectés avec le futur réseau 5G. Adresser de manière plus ciblée de nouveaux services payants et augmenter la consommation de produits marchands. Utiliser de nouveaux canaux de publicité dans les réseaux « sociaux » pour proposer à une population toujours plus jeune les nouvelles merveilles du capitalisme 4.0.

Face à cette course vers l’abîme du consumérisme marchand, il s’agit de renverser la logique de réflexion vers les éléments pertinents auxquelles les sociétés et la majorité de leurs habitants sont confrontés.

Nul besoin de traiter un nouveau « big data » pour exiger la réduction drastique des combustibles fossiles et de leur utilisation notamment dans le transport individuel et des marchandises. 

Pétrole, gaz et charbon sont responsables de 80% des émissions mondiales de CO2 et de 67% des émissions de gaz à effet de serre (GES). Pour respecter la limitation du réchauffement à +1.5 degrés, la réduction de GES devrait se situer d’ici 2050 entre 80% et 90%. 

A l’évidence, la réduction de la consommation devrait être massive et commencer immédiatement. Ainsi que la réduction de l’extraction, évidemment ! Quelles compagnies pétrolières sont disposées à réduire dans de telles proportions leur production de pétrole et de gaz ?

« Big-data » ou pouvoir populaire?

Le respect de la réduction des GES nécessite une autre forme d’organisation de la société. 

Davantage que du traitement informatique du ‘big-data’, nous avons besoin d’une démocratie et de droits plus étendus, pour construire un avenir qui ne soit pas décidé par une poignée de capitalistes assoiffés uniquement de dividendes. Caricature de ce futur, le tourisme spatial proposé par le patron d’Amazon Jeff Bezos.

Avec le niveau actuel de production, nous devons aussi entamer une réduction radicale du temps de travail. Produire moins signifie moins de marchandises inutiles et surtout  plus de temps libre. 

Le chômage de masse promis par la nouvelle génération de robots ne doit pas se réaliser. La mécanisation et l’automatisation doivent servir à réduire la pénibilité du travail et à libérer du temps libre et non à servir de nouveaux dividendes.

Les capitalistes ont toujours présenté le « progrès » technique comme inévitable et bénéficiaire pour toute la société. Les crises économiques et financières, le chômage de masse planétaire et la précarité montrent que cela n’est qu’une duperie.

Pour une révolution éco-socialiste

Nous ne pensons pas que les capitalistes vont réguler et accompagner une transition énergétique et écologique pour limiter le réchauffement planétaire et réduire la destruction de l’environnement. 

Pour que les solutions alternatives puissent être mises en œuvre, la capacité de nuisance des grands groupes industriels doit être irréversiblement neutralisée, aussi bien sur le plan productif que politique. Cela suppose un type de propriété collective sur l’ensemble des grands moyens de production industrielle et énergétique, d’un contrôle citoyen étendu et démocratique pour définir le niveau de production socialement nécessaire avec la couverture sociale qui respecte des impératifs écologiques durables pour la majorité de la population.

Une expropriation de ces grands groupes, un contrôle public et démocratique sont indispensables pour assurer leur reconversion. Une perspective de planification et autogestion, écologiques et sociales, constituerait ainsi la base d’une transformation radicale et en profondeur du type de production et de consommation sur notre planète. Un point de départ pour construire une nouvelle société, sans aliénation et sans exploitation, avec pour horizon l’épanouissement des individuEs libérEés de leurs rapports de classe, de sexe et de couleur. 

« Intelligence artificielle » et « révolution digitale » ne constituent pas un avenir enviable. Ce qui est nécessaire c’est une révolution intelligente dans une perspective éco-socialiste.

José Sanchez, membre du comité éditorial du bimensuel « Solidarités » , Ingénieur en télécommunications à l’Etat de Neuchâtel . Vit à la Chaux-de-Fonds

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