La digitalisation nous promet d’être mieux organisés, moins éparpillés et davantage structurés. Elle nous permet aujourd’hui de tout transformer en une matière impalpable, noyée dans l’internet et ses nuages, ou classée sur un disque dur.
Mais qui s’occupe de structurer les pensées, les émotions, les sentiments ?
Avec l’arrivée de la digitalisation, la rencontre et la gestion des relations sociales passent principalement par l’intermédiaire des écrans. On « tweet », on « aime », on « reposte », on « hashtag » la totalité d’une vie et de ce qui s’y passe. Les canaux de communication passent par l’écran et incitent à l’interprétation. Chaque message que l’on envoie est ponctué d’une multitude de petits visages préconçus qui devraient donner une idée de l’émotion ressentie. Et lorsqu’on oublie cette ponctuation, le destinataire interprète, se questionne, et même parfois s’inquiète. Mais est-il vraiment possible de définir un ressenti de manière digitale ?
En oubliant le papier et la spontanéité, le contact à l’autre a évolué. Les individus ayant été de tout temps sensibles au regard des autres, ils sont rendus plus fragiles par la barrière de l’écran. La reconnaissance et l’empathie sont attendues au travers de clics de souris ou de commentaires. Leur possible absence fait mal et accentue un sentiment de vide parfois présent depuis longtemps déjà.
La multitude de médias sociaux et de moyens d’entrer en contact nous rendent confus sur les codes de la rencontre, ils construisent une distance. De plus en plus, la spontanéité et le hasard laissent place à un doigt qui glisse de gauche à droite. On choisit à qui écrire, avec qui prendre un verre ou avoir une relation sexuelle. Le jugement de l’autre se pose au premier regard.
Nous souhaitons, grâce à la digitalisation, apprendre à aimer autrement, à se rencontrer différemment, à se soucier des autres d’une autre manière. L’humeur et l’estime de soi passent par l’image que l’on a de nous-même, mais elle est alimentée en permanence par des stimuli externes. En changeant les composantes essentielles à l’échange humain, certains individus perdent leur confiance en eux et se dévalorisent de ne pas être attractifs au travers d’une image ou d’un écran.
Est-il possible de vivre pleinement des rencontres sans aucune présence physique ? Dans la simplicité d’une coïncidence, dans le hasard du quotidien ? Les rendez-vous inattendus de la vie sont devenus une source de stress, comme si nous ne savions plus nous présenter, nous valoriser ou nous rendre attirant autrement que par une image. Et si nous laissions à nouveau plus de place à l’inattendu ? Si nous réapprenions à nous rencontrer par le biais du destin ou de la chance ?
Sortons de nos bulles d’isolement. Cet isolement qui rend triste et seul-e. Rendons-nous dans des endroits inconnus, prenons le risque d’être authentiques. En montrant nos différences et nos personnalités plurielles, nous osons redevenir humains et donnons la possibilité à tout individu d’être lui-même.
Myriam Roth: Infirmière HES et Conseillère de Ville (Les Verts)