Kultur Transition

Une autre économie existe ! – 1ère partie

Accompagnateur et coach d’équipe pour les organisations du secteur de l’Économie Sociale et Solidaire, notre auteur de cette nouvelle rubrique sillonne la Suisse Romande àla rencontre dune « autre »économie pour laquelle le profit reprend sa juste place de « moyen »et non de « fin »au sein de nos organisations. Ces organisations sociales, lucratives ou non, sont pour lui une source dinspiration de par leurs modèles de collaboration parfois hors du commun, voir même innovant ! Pour commencer: Un salaire variable, selon les besoins des employé(e)s

J’avais déjàentendu parler de l’entreprise sociale ecodev basée àNeuchâtel et de leur mode de fonctionnement peu commun, proche des modèles holacratiques qui émergent aujourd’hui. Mais c’est en rencontrant Mark Haltmeier, fondateur de l’entreprise que j’ai rapidement compris que l’expression qui m’avait marquée sur leur site internet « C’est l’entreprise qui est ànotre service et pas le contraire »n’était pas du vent ! En effet, chez ecodev cela se passe comme ça :

  • tu décides de tes horaires de bureau (ou télétravail),
  • tu prends le nombre de jours de vacances que tu veux,
  • tu es entièrement libre sur le choix des projets pour lesquels tu investis ton temps, … et j’en passe !

Loin d’être un modèle de travail utopique, la sàrl ecodev fonctionne ainsi depuis plus de 10 ans ! S’il est difficile d’aborder ici la culture d’entreprise dans son ensemble, j’aimerais revenir sur une pratique en particulier : le salaire variable entre collaborateurs, selon leurs besoins…

De quoi sagit-il?

Lorsqu’un nouveau collaborateur rejoint l’équipe d’ecodev, il fixe lui-même son salaire en fonction de ses besoins financiers.

Quel est lintérêt?

Sans parler des méfaits de notre sociétécapitaliste qui veut nous faire croire que plus on a (d’argent), plus on est heureux, voici en bref les avantages de cette pratique selon Mark Haltmeier : Avantages au niveau humain en poussant les employés àune double réflexion : 

  1. Réflexion personnelle: « De quoi ai-je réellement besoin (financièrement) pour être heureux ? »
  2. Réflexion communautaire: « Combien puis-je demander sans pénaliser mes collègues et l’entreprise qui me verse mon salaire ? »

Avantages au niveau économique dans la gestion de la liquidité :

Il s’agit de ce que votre comptable vous rabâche régulièrement : „De beaux bénéfices nets àla fin du mois ne garantissent pas nécessairement un porte-monnaie remplis de billets“ !

Avec des salaires ajustables (en fonction des besoins), cela permet de garder une marge de liquiditéde secours pour les hauts et les bas de la trésorerie, quitte àréajusteràla hausse les salaires en fin d’année si nécessaire.  

Concrètement ça donne quoi?

Lorsqu’un collaborateur a déménagéàPrague, il s’est rapidement rendu compte que le coût de la vie était inférieuràcelui de la Suisse. Il a donc décidéde réduire son salaire mensuel de 500 CHF.

Autre conséquence intéressante : statistiquement, il se trouve que les collaborateurs les plus jeunes sont souvent « mieux payés »que les plus âgés. Une plus grande sagesse de la part des aînés ? Probablement, mais cela vient sûrement aussi du fait que les besoins financiers des « jeunes actifs »sont généralement plus importants.

et ça marche vraiment?

Les activités d’ecodev tournent depuis 2005 avec un nouveau collaborateur tous les 2 ans àpeu près pour arriver à7 collaborateurs aujourd’hui dont un àPrague et un en Corée du Sud. Les surplus des bénéficesàla fin de l’année permettent notamment de travailler « àperte »pour des structures non-lucratives type ONG ou associations ainsi que d’investir dans des projets porteurs d’avenir (coopérative solaire, etc.).

Alors, seriez-vous prêt(e)s àopter pour le salaire selon les besoin au sein de votre organisation ? Si cette pratique nous laisse àpremier abord sceptique, elle a le mérite de nous interpeler sur notre rapport àl’argent : en tant qu’individu mais aussi au cœur de nos relations professionnelles. Sommes-nous au service de l’argent ou bien l’argent au service de nos actions ?

Originaire de Toulouse, Benjamin Cléry sest installé à Bienne en septembre 2017 après avoir étudié en Autriche, travaillé en Belgique et voyagé en Amérique Latine. Issu du secteur de la microfinance et entrepreneur dans l’âme, il démarre son activitécomme indépendant depuis son arrivée en Suisse avec comme défi principal : aider les organisations sociales àtrouver l’équilibre entre impact social et stabilitéfinancière.

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