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Moins : moins de quoi pour plus de quoi?

Le thème de ce numéro « Moins » pourrait au premier abord laisser un peu perplexe. Moins ? Moins pour qui ? Moins pour quoi ? Après quelques jours de réflexion, ne pourrait-on pas aussi dire : « moins de quoi pour plus de quoi ? »

Adopter individuellement un comportement décroissant est nécessaire, j’adhère pleinement à cette idée. Nous pouvons chacun et chacune refuser d’acheter ce qui nous semble être gaspillage, inutile et polluant. Cependant nous ne devons pas sous-estimer la capacité du système ultra-libéral/capitaliste à convaincre la majorité de la population qu’elle a besoin de produits inutiles et polluants. Le marketing, nous le savons, déborde d’imagination. Et nous restons prisonniers d’une petite minorité qui peut décider de ce qui doit être produit ou ne plus être produit avec le seul critère du profit.

Un exemple. Certains médicaments bon marché et ayant fait leurs preuves ne sont plus produits, car insuffisamment rentables. La Suisse, pays de la pharma est en rupture de stock pour 600 médicaments utilisés quotidiennement par des patients qui en sont dépendants pour leur santé.

Par ailleurs, on tente de nous persuader que la 5G est incontournable au mépris de tout principe de précaution. Elle pourrait impacter la santé des populations. Elle demande une nouvelle génération de téléphones adaptés à cette technologie, ce qui amènerait à rendre obsolètes des millions de téléphones portables. La production de ces nouveaux joujoux engendre l’exploitation de métaux rares qui est polluante et le travail des enfants, tout cela pour nous permettre d’aller plus vite, mais plus vite vers quoi ?
Alors peut-être devrions nous dire moins de 5G et de nouveaux smartphones et plus de médicaments utiles et bon-marché.

Peut-on interdire la production de certaines marchandises ? On peut en tout cas interdire leur utilisation. L’amiante, certains pesticides, les plastiques à usage unique, les OGM en Suisse, le glyphosate, etc. Ces interdictions d’utilisation se basent sur des critères pour la plupart de santé publique. Mais leur production continue et ils sont vendus dans des pays dont les législations s’accommodent des diktats des multinationales qui les leur vendent et ainsi continuent à détruire l’environnement et la santé.

Donc, pour être cohérent.e.s il faudrait interdire la fabrication de ces substances ou produits et élargir les critères d’interdiction à leur utilité sociale réelle, aux besoins de base des populations, aux conditions de production et aux dommages environnementaux.

Il ne s’agit pas de décider « autocratiquement » mais bien à partir de critères tels que le gaspillage de ressources induits, la nocivité, les ressources financières à partager et l’utilité publique exprimées par la population. De la même manière qu’il a été possible d’interdire l’utilisation de produits ou de matières nocives pour la santé ou pour l’environnement, il serait cohérent d’interdire leur production.

Les grévistes du climat peuvent donner une première réponse, avec leur proposition d’assemblées populaires. Décider démocratiquement, à partir d’une réflexion élargie de ce qui peut être produit parce qu’utile, durable, et interdire ce qui nous mène droit dans le mur. Une discussion élargie signifie également qu’il faut réfléchir à la reconversion des emplois, à la planification des besoins pour lutter contre le gaspillage, aux conditions faites aux travailleurs et à la santé de la population ici et dans les pays dont nous exploitons les ressources.

Alors certes, moins de smartphones, de plastique, de pesticides, de voitures, d’avions, de tankers, de routes, de gadgets, de vêtements low-cost, de bonbons, d’armes, de concurrence et de profits. Mais plus de logements abordables, de médicaments bon-marché, de transports publics, d’aliments bios, de livres, de films, de musées, de prévention… Moins de PIB et plus de Bonheur Intérieur Brut !

Mettre l’argent à disposition là où il est vraiment utile et sans danger pour la planète.

Illustration : Myriam Roth

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